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Une jambe brisée, une béquille et une montagne de papiers témoignant de sa bataille pour obtenir justice: Bhupendra Malla paie un lourd tribut pour ses cinq mois de travail sur un chantier au Qatar, pays hôte du Mondial-2022.
L'émirat du Moyen-Orient concentre les critiques depuis plusieurs mois en raison de soupçons de corruption lors de l'attribution de la Coupe du Monde, mais également pour les conditions de travail inhumaines des ouvriers étrangers, comme Malla.
Il y a trois ans, Malla cherchait à tout prix à quitter son village du centre du Népal, en raison d'une dette abyssale héritée de sa tentative avortée d'ouvrir un commerce. La perspective d'un emploi au Qatar pour rembourser et financer la scolarité de ses enfants lui semblait l'unique moyen de s'en sortir.
"Je ne parvenais pas à joindre les deux bouts, mon père était agriculteur, mais cela ne paie pas, et je devais trouver le moyen de nourrir ma famille", dit-il à l'AFP à Katmandou.
Comme des centaines d'autres Népalais en quête de travail, Malla a pris la direction du Qatar et de ses chantiers de construction. L'émirat du Golfe a un besoin impérieux de main-d'oeuvre sur ses chantiers, et notamment pour les infrastructures prévues pour le Mondial-2022.
- Les jambes écrasées -
A 32 ans, Malla s'est retrouvé hébergé avec une dizaine d'autres hommes dans une pièce de 4m2 et n'a pas été payé pendant ses quatre premiers mois sur place, creusant un peu plus ses dettes. Son cauchemar ne faisait que commencer.
Un mois plus tard, il frôle la mort, les jambes écrasées dans un accident du travail. Il est opéré six fois, et ses employeurs refusent de l'indemniser et de lui restituer son passeport, à moins qu'il n'accepte leurs conditions de départ.
Il décide de les poursuivre en justice sur place, seul et sans moyens.
"Je devais nourrir ma famille, j'avais besoin d'argent, donc j'ai bataillé pendant deux ans et demi. Pendant ce temps, j'ai parfois eu l'impression que j'allais moisir et mourir sur place", dit-il.
La justice lui donne finalement raison et lui accorde 33.000 dollars US (24.000 euros) de dommages et intérêts, la restitution de son passeport et un billet pour Katmandou.
La victoire de Malla est une rare lueur d'espoir dans cette tragédie, les ONG dénonçant les conditions de vie infernales subies par les ouvriers émigrés au Qatar.
"Ils doivent travailler 18, 19 heures par jour, n'ont pas de nourriture et de logement correct (...) et par conséquent leur santé se détériore", explique Yubraj Nepal, de l'ONG népalaise de soutien aux émigrés Pravasi Nepali Co-ordination Committee.
Certains le paient de leur vie, revenant dans un cercueil avec pour seule justification de leur décès un document évoquant un "arrêt cardiaque".
- Toujours plus de candidats -
Au moins 360 ouvriers népalais sont ainsi morts au Qatar en deux ans, selon les chiffres du gouvernement népalais.
La confédération syndicale internationale (CSI) a estimé récemment qu'au rythme actuel 4.000 ouvriers émigrés pourraient mourir sur les chantiers du Qatar d'ici la Coupe du monde 2022.
Pourtant ces drames ne tarissent pas le flux d'ouvriers en direction de l'émirat. Des dizaines d'hommes font la queue chaque matin à Katmandou devant les services octroyant les permis de travailler à l'étranger.
"Nous n'avons pas le choix, nous devons partir à l'étranger. Nous ne pouvons trouver un bon emploi et gagner assez d'argent ici", témoigne Lal Bahadur Sunar, l'un d'entre eux.
Le gouvernement népalais affirme avoir peu de moyens d'améliorer la situation de ses émigrés.
"Sur le terrain, la responsabilité échoit à l'agence de recrutement ici et à l'employeur sur place", dit à l'AFP Rabindra Mohan Bhattarai, ancien directeur général des services de l'emploi à l'étranger.
Depuis son retour du Qatar, Malla n'a pas retrouvé de travail, mais ne retournerait pour rien au monde là-bas: "J'ai cru que j'allais mourir sans revoir ma femme et mes enfants. A moins que le Qatar ne traite mieux les ouvriers, je pense que la Coupe du monde ne devrait pas s'y tenir".