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© AFP/Karim Jaafar
Le secrétaire général d'Amnesty International, Salil Shetty, présente un rapport dénonçant l'exploitation des immigrés au Qatar lors d'une conférence de presse à Doha le 17 novembre 2013
Amnesty International a dénoncé une exploitation "alarmante" des travailleurs immigrés au Qatar et appelé ce pays à saisir l'occasion du Mondial-2022 qu'il organise pour prouver son respect des droits de l'Homme.
Dans un rapport publié dimanche soir lors d'une conférence de presse à Doha, l'organisation de défense des droits de l'Homme a exhorté la Fifa à faire pression sur le richissime émirat gazier pour qu'il améliore les conditions des ouvriers étrangers, majoritairement asiatiques.
Le comité d'organisation du Mondial 2022 (Q22) a réagi en assurant qu'il allait publier à la fin de l'année des "Normes de protection des travailleurs" qui établiront des directives claire allant "du recrutement au rapatriement".
"La conformité avec la loi et les normes du Q22 seront une obligation pour les entreprises qui travaillent sur les projets du Mondial", a indiqué un communiqué du comité, affirmant qu'une structure de surveillance sera mise en place.
Dans une première réaction, le gouvernement de Doha a annoncé joindre les conclusions d'Amnesty à l'enquête "indépendante" menée par un cabinet d'avocats international mandaté pour enquêter sur de précédentes allégations d'abus. Le Qatar avait néanmoins rejeté les accusations d'esclavagisme moderne.
La Fifa et l'impact positif du Mondial
© AFP/FRANCK FIFE
L'Emir du Qatar Sheikh Tamim bin Hamad al-Thani en tribune lors du match de L1 entre le Paris SG et l'AS Monaco au Parc des Princes, le 22 septembre 2013.
Pour sa part, la Fifa a dit lundi dans un communiqué "croire fermement" en l'impact positif du Mondial-2022 par "une amélioration des droits du travail et des conditions des travailleurs immigrés".
"Nos conclusions montrent un niveau alarmant d'exploitation dans le secteur de la construction au Qatar", a déclaré le secrétaire général d'Amnesty, Salil Shetty, à l'occasion de la publication du rapport "L'aspect sombre de la migration: pleins feux sur le secteur de la construction au Qatar avant la Coupe du Monde".
"Il est simplement inexcusable que tant de travailleurs immigrés soit impitoyablement exploités et privés de leur salaire dans l'un des pays les plus riches du monde", a-t-il ajouté.
Pour Amnesty, l'exploitation des ouvriers "s'apparente dans certains cas à du travail forcé". "La Fifa a le devoir d'adresser un message fort selon lequel elle ne tolèrera pas les violations des droits de l'Homme sur les chantiers liés à la Coupe du monde".
Dans un communiqué lundi, la Fifa a dit "croire fermement" en l'impact positif du Mondial-2022 par "une amélioration des droits du travail et des conditions des travailleurs immigrés".
Son président Sepp Blatter avait indiqué le 9 novembre à Doha que les responsables du Qatar avaient promis que "les lois sur le travail seront amendées ou sont déjà en cours d'amendement".
"Nous avons rencontré des responsables qui se sont déclarés prêts à reconnaître qu'il y a un problème (...)" et sont prêts à "trouver des solutions", a dit M. Shetty.
Le Qatar, engagé dans un ambitieux chantier de plusieurs milliards de dollars pour accueillir le Mondial-2022, a été la cible d'une campagne de la presse étrangère et d'ONG l'accusant d'exploiter les travailleurs sur ces chantiers.
"Le Qatar va être sous le feu des projecteurs dans la perspective du Mondial-2022, ce qui donne au gouvernement une occasion unique de prouver au monde qu'il est sérieux dans son engagement à respecter les droits de l'Homme", a ajouté M. Shetty.
Des ouvriers traités d'"animaux"
Dans son rapport, fruit d'une longue et laborieuse enquête, Amnesty cite divers abus contre les expatriés au Qatar, incluant "le non-paiement de salaires, des conditions de travail dures et dangereuses, et des conditions de logement scandaleuses", parfois sans climatisation dans une chaleur étouffante.
Elle souligne que "des dizaines" de travailleurs étrangers ont été bloqués pendant des mois par leurs employeurs au Qatar, seul pays du Golfe, outre l'Arabie saoudite, à imposer des permis de sortie aux expatriés.
M. Shetty a cité l'exemple d'un groupe de quelque 70 ouvriers du Népal, du Sri Lanka et d'autre nationalités rencontrés vendredi. "Ils travaillent pour une compagnie qui bâtit des tours prestigieuses à Doha, et ils n'ont pas été payés depuis neuf à dix mois et n'ont plus de quoi manger".
Plusieurs ouvriers au Qatar ont dénoncé de mauvaises conditions de sécurité et d'hygiène, selon le rapport. Il cite un responsable du principal hôpital de Doha selon lequel "plus de 1.000 personnes ont été admises en 2012 dans l'unité de traumatologie après des chutes au travail". Parmi ces cas, 10% ont été handicapés et "le taux de mortalité était significatif".
Amnesty ne confirme cependant pas les informations du quotidien The Guardian, selon lequel 44 ouvriers sont morts entre juin et août sur les chantiers, ce que les autorités ont démenti.
Le rapport souligne que certains des ouvriers victimes d'abus sont employés par des sous-traitants de firmes de rayonnement mondial, dont Qatar Petroleum, Hyundai E&C (Corée du sud) et OHL Construction (Espagne).
Un chef d'une firme de construction a traité ses ouvriers d'"animaux", indique Amnesty en citant ses enquêteurs sur le terrain.
"A moins que des mesures importantes ne soient prises immédiatement, des centaines de milliers de migrants qui seront recrutés dans les prochaines années (...) risquent d'être victimes d'abus", conclut le rapport.