Happy Birthday : |
Stade Sanchez-Pizjuan, 8 juillet 1982. 70.000 spectateurs. La France n'a encore aucun titre à son palmarès. La RFA, championne d'Europe en titre, est déjà deux fois championne du monde (1954, 1974). Il est 21h00, la nuit de Séville commence. Les joueurs, interrogés par l'AFP, racontent.
Dans les vestiaires
"L'Allemagne, c'était un Panzer. Mais il y avait une espèce d'insouciance, se souvient Jean-Luc Ettori, le gardien de but. On se dit, +pourquoi pas?+. "Le sentiment ambiant, ce n'est pas de la peur, mais de l'appréhension", renchérit Maxime Bossis, défenseur central. "Il y avait encore un petit complexe d'infériorité, confirme Bernard Genghini. On n'était pas programmé pour ça, pour une demi-finale, eux si".
1re mi-temps:
"Dès le début, les Allemands sont très agressifs. Quelque part ça nous rassure, ça veut dire qu'ils nous craignent, explique Genghini. "Et nous on est vraiment, vraiment, vraiment dans le match", explique Ettori.
18e: Mais c'est la RFA qui ouvre le score (0-1). "Je sors pour contrer un tir, Littbarski reprend et le ballon me passe entre les jambes, décrit le gardien bleu. Mais Gérard Janvion me rassure aussitôt".
27e: faute sur Rocheteau dans la surface, penalty. Platini égalise (1-1). Et le jeu se durcit.
30e: "Manfred Kaltz réussit à attraper un de mes mollets, qui n'étaient pourtant pas très épais", sourit Genghini. Ils sont très agressifs. C'est dur". Dans le but allemand, Harald Schumacher fait déjà des siennes: "J'étais alors sur le banc et je voyais son comportement, explique Battiston. Je le trouvais bien énervé, bien excité".
2e mi-temps:
51e: Genghini quitte la pelouse, remplacé par Patrick Battiston, qui s'illustre aussitôt.
57e: lancé par Platini, il veut lober Schumacher, sorti de sa ligne de but. Le ballon frôle le poteau droit, alors que le portier allemand vient mettre KO le défenseur stéphanois, le percutant en plein visage. "Ce n'était pas beau, il n'y a pas de débat là-dessus", reconnaît l'attaquant allemand Klaus Fischer. Didier Six est le premier à se pencher sur Battiston: "On comprend tout de suite que c'est important". Cristian Lopez, un autre Stéphanois, vient remplacer Battiston. "Il y avait une forme de colère chez tout le monde, mais de colère contrôlée. On pense d'abord à Patrick", témoigne Genghini.
87e: tir sur la transversale de Manuel Amoros, la latéral gauche des Bleus. "Sur le coup, je n'ai même pas le temps de gamberger. Je ne réalise pas que je viens d'avoir la balle de match".
Prolongation
93e et 100e: la France s'envole. Reprise de volée de Trésor sous la transversale de Schumacher, sur un coup-franc de Giresse, puis poteau rentrant de Giresse, sur une passe au cordeau de Didier Six; 3-1 pour les Bleus. "A un moment, on a pensé qu'on allait en mettre 4, 5, 6", explique Ettori. "En fait, se souvient "Max" Bossis, nous étions stupéfaits de mener 3-1 et on a continué à jouer comme si de rien n'était. C'était une forme de naïveté".
104e: "L'Allemagne était déjà morte. Mais une équipe d'Allemagne n'abandonne jamais. Et c'est là que Rumenigge, légèrement blessé tout au long du tournoi, entre en jeu. Il marque le but du 3-2 et ça nous donne une nouvelle force", se souvient Fischer. "A ce moment-là, les mouches ont changé d'âne", sourit Ettori.
110e: il reste 10 minutes. "Et voilà qu'arrive cette action, décrit Fischer. Ce centre de Littbarski repris par Hrubesch qui remet en retrait. Je suis là, dos au but, et je n'ai pas d'autres possibilités que de tenter le retourné". Egalisation, 3-3. Plus rien ne change jusqu'aux tirs au but.
Tirs au but:
"Il fallait trouver cinq tireurs, raconte Genghini. Marius (Trésor) dit: +Moi, je tire pas+. Et puis il y a Lopez qui ne veut pas, il venait d'en rater un en finale de Coupe de France contre le PSG. Et Janvion, qui n'aimait pas les tirer. Déjà trois en moins. Bossis non plus n'était pas très chaud. Mais il accepte".
Giresse, but. Kaltz, but. Amoros s'avance. "J'ai 20 ans, je suis inconscient, insouciant. J'avais baissé les chaussettes, calme, tranquille, je ne réalisais pas". But. La France mène 2 à 1.
Breitner égalise, Rocheteau remet les Bleus en tête. Et Ettori arrête le tir de Stielike. "Là, je pense qu'on tient le bon bout", explique-t-il. Mais Six échoue et Littbarski remet les équipes à égalité, 3 tirs au but à 3. Platini, puis Rumenigge. Toujours égalité.
Au tour de Bossis. C'est l'échec. "Je n'ai jamais oublié, explique l'ancien Nantais. Je n'en ai plus jamais tiré par la suite..." Hrubesch lui ne se pose pas de question. 5 tirs au but à 4. L'Allemagne est en finale.
Retour aux vestiaires
"Quelle déception ! Et quelle colère surtout ! J'ai rarement vu une équipe d'hommes redevenir des gamins, pleurant de déception, raconte Michel Hidalgo, le sélectionneur. (...) Mais aujourd'hui, 30 ans plus tard, il n'y a pas d'esprit de revanche à avoir. Je ne sais même pas si les joueurs français (NDLR: d'aujourd'hui) connaissent cette histoire. Mieux vaut peut-être ne pas leur dire !".