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Les destins de Patrick Battiston et de Harald Schumacher sont liés à jamais depuis cette sortie foudroyante en dehors de sa surface du gardien allemand sur le défenseur français, longtemps resté inanimé, lors de la demi-finale historique du Mondial espagnol en 1982.
Longtemps taiseux sur cette agression, Battiston, 57 ans, directeur du Centre de formation de Bordeaux, s'est remémoré cette soirée sévillane (3-3 a.p., 4-5 tab) avant les retrouvailles entre les deux nations vendredi en quart de finale du Mondial-2014 au Maracana de Rio de Janeiro.
Sur le terrain du stade Sanchez Pizjuan, la demi-finale du défenseur stéphanois aura duré exactement sept minutes. Le temps de remplacer Bernard Genghini à la 50e minute, le temps d'être lancé par Michel Platini, de tenter un lob du gauche et d'être percuté violemment par Schumacher sorti à sa rencontre les deux poings en avant.
On joue la 57e minute, Battiston reste allongé, sans réaction, pendant trois longues minutes dans la surface allemande, une éternité, un cauchemar collectif.
Dans nos mémoires, "cette action de Schumacher qui a séché le petit Français", dixit Battiston, revient inconsciemment lors de chaque France-Allemagne. "C'est comme ça. Ce qui s'est passé en 1982, on m'en reparle à chaque fois. Mais il n'y a pas eu que ça dans la dramaturgie de Séville", feint un Battiston ouvert à l'explication aujourd'hui.
- Impassibles à la tragédie -
"Récemment, je suis tombé par hasard sur les images du match lors d'une émission d'Arte, raconte-t-il. C'est surtout le comportement à la suite de ce qui m'est arrivé sur le terrain que j'ai observé, je n'avais jamais revu les images", notamment "l'arbitrage curieux du Néerlandais Charles Corver qui ne sifflait plus des fautes pourtant évidentes quand l'Allemagne était menée. Ca m'a interpellé, on est en droit de s'étonner un petit peu".
Le choc, Battiston n'a jamais pensé qu'il était intentionnel de la part du portier allemand, même si "je me souviens de son attitude lorsque j'étais sur le banc. Je voyais son comportement, on l'avait vu lors d'accrochages avec Dominique Rocheteau ou Didier Six, je le trouvais bien énervé, bien excité. Je l'avais dit aux autres joueurs sur le banc".
S'ensuit un trou noir, avec ce corps inerte et cette main gauche pleine de souffrance qui s'affaisse elle aussi, au ralenti, le long du corps du Lorrain.
Puis des flashs reviennent, Michel Platini accompagnant son ami groggy sur une civière en lui serrant la main comme on mène un mourant au dispensaire, l'énervement du sélectionneur Michel Hidalgo devant son banc de touche ou encore cette discussion, presque complice, rieuse, entre Charles Corver et Schumacher, impassibles à la tragédie si proche qui a révolté la France entière.
- Opération rédemption -
"Une fissure d'une vertèbre cervicale et des fractures aux dents, voilà ce qui me reste encore aujourd'hui de cette agression", énumère Battiston, en plus de cette déclaration surréaliste prononcée par l'Allemand à l'issue de la rencontre. +S'il a deux dents de cassées, je vais lui en payer en or+.
"Ce n'était pas très fute-fute, c'était maladroit", estime le défenseur français qui, une semaine plus tard, pardonnait déjà à son bourreau, en pleine opération rédemption.
"C'était le 15 juillet 1982, je m'en souviens très bien. On s'était revu à l'initiative du manageur de Schumacher qui avait souhaité me rencontrer, en ayant la bonne idée de téléphoner au Républicain Lorrain et en organisant une conférence de presse. Son manageur m'avait dit qu'il n'était pas bien, que les gens étaient agressifs envers lui suite à son attitude. Il se sentait peut-être coupable, on peut tout interpréter après".
"Schumacher était quelqu'un qui avait un gros désir de gagner et qui a été au-delà de tout ce qui était permis, poursuit Battiston. Après Séville, on s'est croisé deux ou trois fois, sur des terrains, dans des tribunes à Munich ou quand on a joué France-Allemagne en 1984. On a gagné 1-0, mais là, il n'y avait rien eu de particulier".