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© AFP/FABRICE COFFRINI
Les membres du CIO réunit pour le "sommet olympique" sur les réformes en matière de lutte andodopage, le 8 octobre 2016 à Lausanne
Rendre les contrôles antidopage plus indépendants en les retirant aux fédérations pour les confier à une structure unique créée par l'Agence mondiale antidopage: c'est le souhait du CIO, mais la mise en oeuvre de cette réforme s'annonce longue et complexe. Décryptage des mesures proposées samedi lors d'un "sommet olympique" à Lausanne.
Qu'a décidé le CIO et pourquoi ?
A la lumière du scandale de dopage d'Etat en Russie révélé juste avant les jeux Olympiques de Rio, le CIO a prôné samedi une réforme du système de lutte antidopage s'appuyant sur deux mesures essentielles. Elles concernent les contrôles d'une part, les sanctions de l'autre.
La première: rendre les contrôles antidopage indépendants des fédérations sportives en les confiant à une structure nouvelle créée sous l'autorité de l'Agence mondiale antidopage (AMA). La seconde: faire prononcer les premières sanctions non plus par les fédérations mais par le Tribunal arbitral du sport (TAS) qui jugeait jusqu'alors uniquement les appels en matière en dopage.
Accusée d'avoir tardé à réagir sur le dopage d'Etat en Russie et victime récemment d'attaques de pirates informatiques, l'AMA est dans le viseur du CIO: celui-ci juge qu'elle doit "renforcer sa structure de gouvernance" et "améliorer sa sécurité informatique".
Quelles sont les conséquences ?
Les fédérations acceptent de perdre leur pouvoir de contrôler et de sanctionner les sportifs au profit d'une nouvelle structure indépendante et du TAS.
"Cela vise à créer un meilleur système de régulation du dopage sous l'égide de l'AMA", estime pour l'AFP l'universitaire suisse Jean-Loup Chappelet, spécialiste du mouvement olympique et qui avait été sollicité par l'AMA pour formuler des propositions.
"Les réformes prévoient aussi la mise en place d?une certification des agences nationales antidopage et de +super laboratoires de tests+ qui feraient référence", précise le professeur à l'Institut de hautes études en administration publique de Lausanne.
Mais cela soulève des réticences. Certes, les quatre grandes fédérations olympiques (athlétisme, foot, gymnastique, natation) étaient présentes samedi à Lausanne et ont donc approuvé les réformes. Mais au sein de certaines fédérations, les mesures ne font pas l'unanimité.
"Qui décide de qui va être testé ? Pour établir des listes d'athlètes cible, il faut la connaissance que seules les fédérations possèdent", s'interroge un responsable d'une fédération sous couvert d'anonymat. "Qui récupère les échantillons ? Cette structure unique ou un organisme tiers comme c'est souvent le cas aujourd'hui ? Et quel laboratoire effectue les tests ?", demande-t-il encore.
Le TAS, juge unique ?
Reprenant l'adage "juge unique, juge inique", ce responsable sportif s'interroge aussi sur "la véritable indépendance" du TAS qui va devenir "le juge unique" en matière de dopage.
"Nous allons très nettement séparer la structure de première instance et d'appel", rétorque Matthieu Reeb, secrétaire général du TAS. "Les juges et arbitres de première instance ne pourront pas juger en appel".
Pour les athlètes et les différentes parties, "cela simplifiera et harmonisera les procédures. Et si l'on travaille bien en première instance, il y aura peut-être moins d'appels", ajoute M. Reeb, qui souligne "qu'il faudra bien un an pour mettre cette réforme en place".
Quels délais?
Olivier Niggli, le directeur général de l'AMA, l'assure: l'important, "c'est de s'être mis d'accord sur un agenda et sur un processus".
Mais "on a beaucoup de travail. Il faut se remettre autour de la table car certaines réformes doivent être discutées plus avant et d'autres propositions arriveront peut-être d'ici novembre", reconnaît-il également.
Un comité de pilotage qui travaille depuis un an sur ces réformes va de nouveau se réunir pour affiner les propositions. Elles seront soumises au Conseil de fondation de l'AMA (son instance de décision suprême) le 20 novembre à Glasgow.
M. Chappelet estime que la nouvelle instance de contrôle doit être mise sur pieds par l'AMA dès cette date.
Il plaide pour que la base de cette nouvelle structure soit la "Direction du renseignement" (Intelligence and Investigation) de l'AMA, créée il y a quelques mois.
"Les tests supplémentaires doivent être ciblés en fonction de renseignements et d'éventuelles dénonciations par des lanceurs d'alerte, qui doivent être fortement protégés par l'indépendance de cette nouvelle unité", argumente-t-il.
Quel financement?
La question est fondamentale. Deux pistes existent: soit de nouvelles ressources, soit la réaffectation du budget actuel des fédérations consacré aux contrôles et aux sanctions.
L'AMA dispose aujourd'hui d'un budget annuel de 30 millions de dollars (27 millions d'euros). Le mouvement olympique lui apporte la moitié de son budget, à parité avec les gouvernements).
Et le CIO a prévenu: il "est prêt à contribuer à une augmentation de son financement au côté des gouvernements" mais sous réserve de la "mise en application des réformes".