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La Coupe du monde 2014 aura coûté au moins 11 milliards de dollars au contribuable brésilien, une somme colossale qui a déclenché des manifestations et poussé les économistes à sortir leurs calculettes: est-ce financièrement intéressant d'organiser ce grand événement ?
Les protestataires qui sont descendus dans la rue, parfois de manière violente, assurent qu'il aurait été préférable de dépenser cet argent dans l'éducation, la santé et les transports publics, des secteurs où le fossé entre riches et pauvres s'avère le plus criant dans ce gigantesque pays de 200 millions d'habitants.
Mais le gouvernement affirme que l'organisation d'un tel tournoi va au delà de la construction de stades et de la fête.
"Le Mondial n'est pas une panacée économique mais un catalyseur pour le développement brésilien, indique à l'AFP le ministre du Tourisme, Vinicius Lages. Cela a été un facteur clef pour que le Brésil commence enfin à moderniser ses infrastructures".
Il estime que l'événement injectera quelque 13,6 milliards de dollars cette année dans l'économie brésilienne, la septième du monde, grâce notamment à l'afflux attendu de touristes nationaux et étrangers.
Sur le long terme, le Mondial "aura un surprenant impact en cascade sur les investissements", avançait en 2012 une étude de l'agence Ernst & Young et de la Fondation Getulio Vargas (FGV), une université privée.
Selon ce document, la Coupe du monde et les jeux Olympiques 2016 à Rio de Janeiro peuvent créer ensemble 3,6 millions d'emplois et ajouter quatre points de PIB par an jusqu'à 2019.
- Politiquement logique, économiquement absurde -
Mais les experts ne sont pas unanimes.
En mars, l'agence de notation Moody's a estimé que l'effet du Mondial sur l'économie serait insignifiant, vu la faible croissance du pays depuis 2011.
Les études montrent que les grand-messes sportives génèrent peu de gains financiers à long terme, soutient Wolfgang Maennig, professeur d'économie à l'université de Hambourg.
"Pour l'Allemagne (au Mondial-2006), il y avait de grands espoirs, mais finalement les gens se sont dit: +Grand événement, très agréable, mais avons-nous gagné quelque chose financièrement ? Non+", raconte le professeur.
Pour Wolfgang Maennig, la décision du Brésil de construire de nouveaux stades dans des villes hôtes sans tradition footballistique, comme Manaus ou Cuiaba, est "politiquement compréhensible mais absurde en termes d'économie".
Il y a aussi des coûts impossibles à calculer. Si les manifestations monstres de juin 2013 devaient se répéter, l'image du Brésil pourrait être écornée et les gains financiers annulés.
Trois millions de touristes brésiliens et 600.000 touristes étrangers sont prévus pour les matchs du Mondial, avec des dépenses estimées à 2.500 dollars chacun en moyenne. Cela peut aider le Brésil à développer son tourisme.
Car malgré d'innombrables attraits, de la plus grande forêt tropicale du monde à ses plages merveilleuses en passant par le Carnaval et les beautés de Rio de Janeiro, le pays n'a accueilli que six millions de touristes l'année dernière. Soit deux de moins que la seule Tour Eiffel...
- A la brésilienne -
Le professeur Rafael Alcadipani, spécialiste du Mondial à la FGV, pointe les difficultés que traverse l'économie brésilienne, loin du climat d'optimisme qui berçait le pays quand il a obtenu le droit d'organiser le tournoi en 2007.
"A ce moment là, le Brésil émergeait enfin. Mais on a sous-estimé les coûts, l'argent public mis dans les stades, avec une valeur à long terme douteuse. Je crois qu'un événement plus modeste et plus concentré (dans moins de villes, ndlr) donnerait un meilleur résultat", confie-t-il à l'AFP.
D'après la présidente Dilma Rousseff, qui joue sa réélection en octobre, les Brésiliens devraient s'enorgueillir de l'héritage des investissements publics liés à la Coupe du monde, même si beaucoup demeurent au stade embryonnaire et que de nombreux autres ont été purement abandonnés.
"Personne ne va venir et mettre les aéroports, les ports, les travaux de mobilité urbaine et les stades dans ses valises en repartant d'ici. Voilà notre héritage", a-t-elle insisté.
Mais pour Sergio Bampi, professeur à l'Université fédérale du Rio Grande do Sul à Porto Alegre, il faut être réaliste: "Ce qui échappe à beaucoup de monde, c'est que le Brésil fait les choses à sa manière. Ici, on n'est pas en Europe".