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Malfas frappe la balle de cricket hors des limites du terrain, court pour marquer des points et lève les bras au ciel. Banale dans son pays, le Sri Lanka, cette scène l'est moins au Qatar, où il travaille depuis six ans.
Le terrain sur lequel les coéquipiers de Malfas se précipitent pour célébrer la victoire, arrachée grâce à un coup de batte de Malfas, se trouve pourtant en plein centre de Doha, dans un stade de 14.000 places.
En tribunes, un groupe de musique sri-lankais, dont un trompettiste et deux joueurs de tambour, se met à interpréter son énième morceau en cette soirée chaude et humide, alors que des fans envahissent eux aussi l'aire de jeu.
Une voix s'élève de cette cacophonie et annonce les résultats au micro. Les organisateurs s'emploient, dans la précipitation, à placer les coupes, bientôt récupérées par Malfas et ses coéquipiers.
L'ambiance est bon enfant et le spectacle, haut en couleurs, est digne d'un grand événement sportif.
Mais il s'agit juste d'un petit tournoi de cricket entre des équipes entièrement composées de Sri-Lankais, d'Indiens, de Pakistanais et de Bangladais qui travaillent dans ce richissime émirat gazier du Golfe.
Cette épreuve aurait bien du mal à figurer au prestigieux calendrier sportif du Qatar, déjà surchargé avec 90 événements entre mars 2015 et mars 2016, allant du tennis à l'escrime en passant par le golf.
Il n'y a pas de publicité pour le match, ni banderoles promotionnelles ou billets d'entrée. Pas de vedettes internationales en vue, non plus.
Cela n'empêche pas les supporteurs -des migrants en manque de loisirs- de se déplacer en nombre pour applaudir, chanter et danser.
Il y a d'ailleurs plus de public que lors de certains matches du dernier Championnat du monde de handball, organisé en janvier au Qatar, et au moins autant qu'à une récente rencontre de qualification pour le Mondial-2018 de football.
"Les ouvriers originaires du sous-continent indien adorent le cricket", lance, avec le sourire, Shahid Iqbal, capitaine de l'équipe victorieuse du tournoi, représentant Qalco, une compagnie pétrolière locale.
"Comme le football est le sport national au Qatar, nous cherchons toujours l'occasion de jouer au cricket, notre sport national à nous", ajoute-t-il.
- Sport le plus pratiqué -
Malgré l'engouement pour le football au Qatar, qui organisera le Mondial-2022, le cricket est le sport le plus pratiqué dans l'émirat, grâce au grand nombre record de travailleurs asiatiques vivant à Doha et ses alentours.
Ce soir-là, les joueurs, les officiels et les spectateurs convergent vers l'Asian Town Cricket Stadium, baptisé ainsi par les nombreux travailleurs d'Inde, du Pakistan, du Bangladesh et du Sri Lanka, des pays où le cricket est roi avec des centaines de millions de fans.
Les ressortissants de ces quatre pays forment près de 40% de la population du Qatar.
En finale du tournoi, Qalco affronte QDVC, une filiale du géant français du BTP Vinci.
Si les règles du jeu sont respectées, les matches tiennent plus de la compétition de rue que des grands matches internationaux: faute de "vraie" balle de cricket, on joue avec quelque chose qui ressemble à une balle de tennis dure et rebondissante. Les batteurs n'ont donc pas besoin de protections spéciales, une simple paire de gants leur suffit.
Qalco est l'équipe favorite, grâce à son batteur pakistanais Ifzal Khan, qui avait brillé lors de précédents tournois.
Avant même le début du match, le capitaine de QDVC reconnaît que son équipe aura du mal. Elle est formée d'amateurs sans grande expérience. "Certains sont chauffeurs, d'autres techniciens en climatisation ou employés de petit commerce", explique-t-il. "Moi, je travaille dans les ressources humaines".
Pour ces hommes, la dotation du tournoi est une aubaine: les vainqueurs se partagent 25.000 riyals (6.100 euros), leurs dauphins 10.000 riyals.
Un joueur du Bangladesh explique d'ailleurs qu'il espère que son équipe va s'imposer car cela lui permettra d'engranger l'équivalent d'un mois de salaire qu'il pourra alors envoyer à sa famille au pays.
Des ONG et des syndicats internationaux affirment régulièrement que les travailleurs étrangers au Qatar sont victimes d'abus de la part de leurs employeurs, notamment via un système de parrainage controversé qui les empêche de quitter l'émirat ou de changer d'emploi.