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© AFP/Julien Rocher
Une 4L participe au 4L Trophy dans le désert marocain, le 20 février 2013
Plus d'un millier de mamies mécaniques tremblent de toutes leurs vieilles carcasses sur la tôle ondulée du Sahara marocain, soulevant un épais sillage de poussière: le 16e 4L Trophy et son immense caravane du désert a fait irruption depuis une semaine du Grand Sud du royaume chérifien.
Ce rallye-raid réservé aux étudiants de 18 à 28 ans -l'un des plus grands rassemblements mécaniques monotypes au monde- rassemble cette année, ainsi qu'un immense Jamboree, sportif, festif et humanitaire, 2890 garçons et filles d'écoles d'ingénieurs, de commerce, d'IUT et universités de France et d'Europe à bord d'une cohorte de 1445 vénérables 4L, le fleuron populaire dans les années 60, de l'ancienne Régie Nationale Renault.
Jean-Jacques Rey, le patron et créateur de l'épreuve en 1988, s'est inspiré du rallye Paris-Dakar, mais n'en a retenu que les volets "aventure et découverte", en effaçant le chronomètre, donc la vitesse, et en ajoutant une corde humanitaire et solidaire avec les populations déshéritées de cette région aride et excentrée du Maroc, non loin de la frontière algérienne.
La mise en musique de cette partition originale a été la clef de son succès: le 4L Trophy a attiré en 16 années près de 25.000 jeunes de toutes conditions, en quête d'aventure intelligente rimant avec respect de l'environnement humain et naturel du vaste terrain de jeu saharien à sa disposition.
La règle de la compétition est simple: pour chaque équipage de 2 concurrents, les classements sont établis sur la base du minimum de kilométrage effectué du point de départ au point d'arrivée de chaque étape, à l'aide d'un sens de l'orientation astucieux et d'une navigation rigoureuse.
© AFP/Julien Rocher
Un participant du 4L Trophy tente de désensabler sa voiture dans le désert marocain, le 20 février 2013
Son pendant humanitaire est limpide: chaque équipage apporte chaque année son quota de fournitures scolaires ou médicales aux populations traversées et rencontrées.
De la "ville rose" au désert
Sa faconde qu'enrichit son accent chantant du Sud-Ouest (de la France) n'a d'égal que sa bonne humeur communicative: Aurélie Escarnot, 20 ans, BTS de mécanique et fille de travailleur du BTP, fait équipe avec sa copine-soeur de toujours, Marion Verdier, 20 ans aussi, apprentie styliste dans la "ville rose", dont le papa est menuisier.
Le moteur de leur 4L de 30 ans d'âge tourne comme une horloge. Aurélie, pour qui la boîte à outils n'a aucun secret y veille. Elle sait tripoter le carburateur, démonter le ventilateur et régler le delco.
La carrosserie de la voiture est constellée de "stickers" de leurs humbles sponsors qui les ont aidées à financer leur participation (3100 euros par équipage) au rallye: ici un restaurant, là une plomberie, une mairie de la région toulousaine, une auto-école, une menuiserie.
"Des artisans de chez nous et... la famille", dit Marion.
C'est elle qui est au volant. Aurélie la co-pilote débusque les pièges du terrain: "Gros caillou... Sable! Enquille à fond de seconde... Première, première... Ouais... Trace, trace...". La 4L entre dans un ventre mou de silice, semble s'essouffler, prête à se poser, mais la pilote écrase l'accélérateur en cisaillant le volant. Ca patine, ça rugit, mais la vieille dame mécanique se sort du pétrin.
Les deux filles poussent des cris de joie.
"4L Trophy" FM
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Une 4L participe au 4L Trophy dans le désert marocain, le 20 février 2013
L'autoradio sur la fréquence FM "4L Trophy" crache une chanson populaire et entraînante: "Ah qu'est qu'on est serrées, au fond de cette boîte, chantent les sardines, chantent les sardines...". Les deux filles chantent et dansent sur leurs sièges.
Le paysage du Grand-Sud défile. Les cailloux cognent sous la caisse mais l'aïeulle mécanique résiste: hautes dunes (150 mètres) de sable ocre de l'erg Chebbi autour du village de Merzouga, regs de pierres noires sur sable blond, rares oasis en peau de léopard, traversées de villages fantômes aux demeures de pisé en ruines...
Les centaines de 4L de tous les types, années et couleurs de l'arc-en-ciel, comme une armée mécanique joyeuse et bigarrée, sillonnent l'étendue désertique et convergent avec allégresse vers un improbable destin: "C'est la vie en condensé..." lâche Aurélie.