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© AFP/Philippe Merle
L'Irlandais Jason Smith à l'arrivée du 200 m T13 des Mondiaux handisport le 21 juillet 2013 à Lyon
Il est aussi discret qu'Usain Bolt est exubérant, mais son palmarès n'a rien à lui envier: l'Irlandais Jason Smyth, 26 ans, sprinter malvoyant en lice aux Mondiaux handisport de Lyon, rêve de disputer les Jeux olympiques de Rio.
"J'aimerais combler le fossé entre sport olympique et paralympique", explique le double champion paralympique du 100 et 200 mètres, en 2008 puis 2012. Il ne lui avait manqué que 4 centièmes pour participer aux JO de Londres avec les valides.
Aux Mondiaux handisport en coursà Lyon, le recordman du monde sur les deux distances a une fois de plus assommé la concurrence sur 100 (10.61 jeudi) et 200 mètres (21.05 dimanche, égalant sa meilleure performance).
S'il rend quinze bons centimètres en taille au roi Bolt, Smyth dégage une impression comparable: bon jaillissement, accélération dévastatrice aux 30 mètres et fin de course seul au monde, tout en relâchement.
Pourtant ce surdoué du sprint, révélé sur le tard, a "grandi en rêvant d'être footballeur". "Je le veux probablement toujours", plaisante le jeune homme, éternel amoureux des Reds de Liverpool.
Les louanges de Tyson Gay
Aîné de cinq enfants élevés dans la foi mormone, le petit brun de Derry, en Irlande du Nord, grandit entre école, église et terrains de foot, où il aiguise sa pointe de vitesse "comme buteur ou milieu gauche", se souvient-il.
Mais à 8 ans, on lui diagnostique un syndrome de Stargardt, maladie dégénérative dont souffrait déjà son grand-père maternel et qui le prive progressivement de plus de 90% de son acuité visuelle.
Adolescent, il apprivoise sa maladie et n'abandonne pas le sport, jusqu'à ce qu'une de ses enseignantes, remarquant ses aptitudes au sprint, l'adresse à l'entraîneur Stephen Maguire, à 17 ans.
Deux ans plus tard, en 2006, il décroche ses deux premiers titres de champion du monde. En 2010, à Barcelone, il devient le premier athlète handicapé qualifié dans des championnats d'Europe valides, où il atteint la demi-finale.
"Techniquement, il est dans mon Top 5", dit de lui l'Américain Tyson Gay, son partenaire d'entraînement en Floride depuis 2008. Il le classe aux côtés de "Maurice Greene, Carl Lewis, Asafa Powell et Leroy Dixon".
Pour Pierre-Jean Vazel, l'entraîneur de la sprinteuse française Christine Arron, la quasi-cécité de Jason Smyth ne le handicape pas nécessairement en course, "où il est primordial de ne pas voir les autres".
Souffle et sons
"Certains champions, comme l'Américaine Gail Devers, sprintent les yeux fermés. D'autres ont les yeux tellement exorbités qu'on se demande ce qu'ils voient. Ils sont attentifs à ce qui se passe en eux", souligne le technicien.
Mais pour lui, "le principal handicap est à l'entraînement. Tous les athlètes progressent en se regardant les uns les autres. Quel bénéfice Smyth tire-t-il de la proximité de Tyson Gay, s'il ne le voit pas?"
Le sprinter irlandais, avide de conseils de ses partenaires, explique se repérer aux sensations - souffle, bruits, gestuelle des bras, impacts sur la piste - au point de sentir "ce qui sonne juste et ce qui sonne faux".
"Tous les athlètes de mon groupe sont plus rapides que moi. C'est très stimulant. Chaque jour je dois m'entraîner dur pour me rapprocher d'eux", se réjouit Jason Smyth, qui a déjà couru le 100 mètres en 10'22.
© AFP/Philippe Desmazes
L'Irlandais Jason Smith dans la ligne droite du 200 T3 aux Mondiaux handisport le 21 juillet 2013 à Lyon
Se voit-il descendre un jour sous les 10 secondes, lui qui n'a abordé le haut niveau qu'à la majorité ? "Je me concentre sur une marche à la fois, avant de rêver plus loin. Pour l'instant, je vise les 10'10", sourit-il.