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© AFP/Thearon W. Henderson
Colin Kaepernick, meneur de jeu des San Francisco 49ers, le 26 août 2016 à Santa Clara en Californie
Ayant refusé de se lever pour l'hymne national, le joueur de football américain Colin Kaepernick se voit reprocher de bafouer un symbole et de politiser son sport, mais il s'inscrit aussi dans une lignée d'athlètes protestataires noirs qui ont marqué les Etats-Unis.
La polémique a pris une dimension nationale, Donald Trump qualifiant lundi d'"exécrable" la posture de Kaepernick, lui conseillant de "chercher un pays mieux adapté".
Que reproche exactement le candidat républicain à la Maison Blanche au meneur de jeu des San Francisco 49ers ? D'être resté assis tandis que retentissaient les notes de "La Bannière étoilée" dans le Levi's Stadium, où son équipe accueillait vendredi soir les Green Bay Packers.
La tradition veut que joueurs, entraîneurs et spectateurs se lèvent et se découvrent la tête pour entonner l'hymne, regard tourné vers le drapeau, dans un moment de communion patriotique.
Mais Colin Kaepernick, métis de 28 ans, n'a pas quitté son banc.
"Je ne vais pas afficher de fierté pour le drapeau d'un pays qui opprime les Noirs", a justifié le quarterback, dont le père biologique était noir mais qui a été adopté et élevé par un couple de Blancs.
La Maison Blanche s'est clairement démarquée du sportif, en lui reconnaissant toutefois le droit de professer ses opinions.
Le joueur a explicitement fait référence à de récents abus policiers ayant causé la mort brutale de Noirs non armés: "Il y a des cadavres dans les rues et des meurtriers qui s'en tirent avec leurs congés payés".
Dans un pays où la liberté d'expression est protégée par le premier des amendements constitutionnels, Kaepernick n'a que répété ce que nombre d'artistes ou militants dénoncent.
- L'exemple LeBron James -
© AFP/EZRA SHAW
Colin Kaepernick (à gauche) lors du match des San Francisco 49ers face aux St. Louis Rams, le 3 janvier 2016 à Santa Clara
Quant à la teneur de son propos, il a simplement emboîté le pas à d'autres joueurs professionnels luttant contre les discriminations raciales ou la violence par armes à feu, parmi lesquels les stars du basket Dwyane Wade, LeBron James ou Carmelo Anthony.
Mais, contrairement à ces piliers de la NBA, Kaepernick a délivré son message à une minute symbolique. Aux Etats-Unis on ne s'attaque pas impunément au Stars and Stripes (le drapeau) ou au Star-Spangled Banner (l'hymne national).
La chanteuse Sinead O'Connor en avait fait les frais en 1990, après avoir exclu de se produire dans le New Jersey si l'hymne américain était joué en préambule. L'Irlandaise avait été la cible d'une campagne de rejet, bannie par plusieurs radios.
Un quart de siècle plus tard, Colin Kaepernick se retrouve vilipendé sur les réseaux sociaux, des Américains exigeant de la Ligue nationale de football américain (NFL) sa suspension, voire son licenciement.
Dans une lettre adressée à la NFL et aux 49ers, le président de l'Association des policiers de San Francisco a dénoncé les "déclarations intempestives" de Kaepernick et demandé des excuses.
- Autodafé de maillot -
Des internautes se sont filmés en train de brûler le maillot du quarterback, qui avait pourtant conduit San Francisco jusqu'au Super Bowl 2013 (défaite contre Baltimore 34-31) avant de perdre sa place de titulaire l'an dernier. D'autres ont publié des photos de soldats amputés des jambes, debout sur leurs prothèses.
Pour l'instant, le joueur aux bras tatoués semble pouvoir compter sur le soutien de son club.
"Nous reconnaissons le droit à tout individu de choisir de participer, ou non, à la célébration de notre hymne national", ont fait savoir les 49ers, qui ont remporté le Super Bowl à cinq reprises.
Mais, au regard de précédents historiques, Colin Kaepernick peut s'attendre à naviguer en mer agitée un bon bout de temps. D'autant qu'il a promis de continuer à s'asseoir pour les prochains matches.
Né Chris Jackson et converti à l'islam, l'ancien pro de la NBA Mahmoud Abdul-Rauf avait aussi refusé de saluer le drapeau lors de la saison 1995-1996. Suspendu pour une rencontre, il avait vu sa relation avec le public se détériorer irrémédiablement.
Kaepernick suivra-t-il le même chemin? Y compris dans sa famille du football américain, son attitude divise.
Se lever pour l'hymne national "est l'occasion de témoigner son respect à ceux qui servent le pays", a affirmé Rex Ryan, le coach des Buffalo Bills, une équipe de l'Etat de New York.
Avant Kaepernick d'autres champions porteurs d'un message politique ont connu la controverse, voire la déchéance.
Inhumé en juin entouré d'hommages planétaires, la légende de la boxe Mohamed Ali avait payé de plusieurs années d'interruption de carrière son refus d'aller combattre au Vietnam.
Egalement gravés dans la mémoire collective sont les poings gantés de noir de Tommie Smith et John Carlos, sur le podium du 200 mètres des jeux Olympiques de Mexico de 1968.
Ces deux athlètes, dénonçant la ségrégation raciale théoriquement abolie mais encore bien présente alors, ont été boycottés par les médias et honnis durant des décennies, avant d'être réhabilités tardivement.
Dans une interview au magazine canadien Maclean's, Tommie Smith a apporté son appui à Kaepernick. "Colin a fait une déclaration très importante et non polémique sur la réalité de la société dans laquelle il vit", a-t-il affirmé.