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A Chypre, la politique n'est jamais loin du football et l'APOEL Nicosie, adversaire mardi du Paris SG en Ligue des champions, n'échappe pas à la règle: ce club à l'histoire presque centenaire revendique fièrement son identité "grecque", qui l'ancre fermement à droite.
En France, Apoel est sorti de l'anonymat en 2012 en terrassant Lyon pour atteindre les quarts de finale de la C1 face au Real Madrid. Mais sur l'île de Chypre, c'est un club incontournable avec ses 23 titres de champion et ses 12 millions d'euros de budget, même si cette somme ne suffirait pas à verser le salaire annuel d'un Zlatan Ibrahimovic.
Fondé en 1926 sous le sigle de "Club de football des Grecs de Nicosie", Apoel peut compter sur une large base de supporteurs -en 2009, 31% des fans chypriotes de football soutenaient ce club- qui expriment un fort attachement à son identité hellénique.
Et dans un pays divisé depuis 1974 entre la République de Chypre, au sud, et la République turque de Chypre Nord (RTCN), reconnue par la seule Turquie, ce marquage identitaire a forcément des répercussions politiques.
"Chypre représente un cas unique en Europe où il est possible de connaître l'orientation politique de quelqu'un simplement en lui demandant quelle équipe de football il supporte", explique à l'AFP Hubert Faustmann, politologue à l'Université de Nicosie.
"Apoel n'est pas un club politisé mais nationaliste, très attaché à notre mère patrie, la Grèce", rectifie toutefois Amélia, une supportrice de 24 ans qui regrette que la division de l'île "maintienne les questions politiques très présentes" dans le football local.
- Tifo politique -
Les ultras de l'Apoel ont récemment profité du match à domicile contre l'Ajax Amsterdam, en Ligue des champions, pour scénariser leur revendication de l'identité grecque de la totalité de Chypre.
A l'entrée des équipes, ils ont réalisé un 'tifo' où l'image de l'île divisée se transformait en une carte de Chypre unifiée dessinée sur le premier drapeau de la Grèce moderne.
"C'est une façon pour nos fans de montrer les problèmes de Chypre de manière pacifique", explique à l'AFP le président du club. Prodromos Petrides s'attend certes à une amende de l'UEFA, mais il l'assume, alors même que la grave crise économique qui a frappé Chypre en mars 2013 n'a pas épargné l'Apoel. Deux millions d'euros ont en effet été ponctionnés dans ses comptes bancaires.
"Même avec la volonté de tenir la politique à l'écart, on ne peut pas changer la mentalité Apoel, assure M. Petrides. Moi-même, j'affiche mes sympathies pour les idées de droite, sans être actif politiquement."
- Rivalité avec l'Omonia -
Dans l'histoire du club et celle du football chypriote, le schisme survenu en 1948 marque une fracture importante.
A l'époque, Chypre est sous domination britannique mais en Grèce les communistes tentent de prendre le pouvoir sur fond de guerre civile. Certains joueurs de l'Apoel refusent de dénoncer publiquement le communisme et font scission pour créer l'Omonia, ou "concorde" en grec.
Depuis, l'opposition droite-gauche à Nicosie se confond avec la rivalité Apoel-Omonia et s'exprime caricaturalement dans les virages: drapeaux du Che Guevara et de la République de Chypre pour Omonia, qui conspue les "fascistes", contre drapeaux grecs et croix celtiques pour Apoel, qui exècre les "communistes".
"Ces insignes sont utilisés pour provoquer la partie adverse", constate Constantinos Adamides, auteur d'une recherche sur la politisation du football chypriote. Pour lui, "les supporters de l'Apoel continuent de se considérer grecs, pas en terme de nationalité mais au regard de leur identité".
Si les deux clubs de Nicosie affirment n'entretenir aucun lien avec les partis, l'aversion d'un camp pour l'autre se manifeste dans la sphère politique.
En 2012, quand Apoel a accueilli le Real Madrid pour ce qui était sans conteste le plus grand événement sportif de l'histoire de Chypre, le président de la République de l'époque était resté chez lui. Dimitris Christofias, un communiste, supporte Omonia.