Happy Birthday : |
© AFP/PATRICK KOVARIK
Le secrétaire d'Etat aux Sports Thierry Braillard en conférence de presse, le 22 avril 2016
Comment sont-elles gérées? Par qui? Au profit de quels intérêts? Dotées d'un statut unique, les fédérations sportives olympiques, qui perçoivent chaque année près de 80 millions d'euros d'argent public auxquels s'ajoute l'écot des licenciés, sont théoriquement sous tutelle de l'Etat qui les finance à des degrés divers.
Etat des lieux, alors que les 31 fédérations olympiques doivent élire (ou réélire) leur président avant le printemps.
STATUT UNIQUE, FINANCEMENTS DIVERS
Les fédérations sont chargées d'organiser la pratique d'un sport pour le volet amateur (la gestion du secteur professionnel, quand il existe, est confiée aux Ligues). Les fédérations ont également la responsabilité des équipes nationales.
Associations bénéficiant d'une délégation de service public, les fédérations sportives bénéficient de l'assistance matérielle de l'Etat et théoriquement de sa tutelle. Dans les faits, le mouvement sportif, national comme international, jouit d'une autonomie qui interdit toute ingérence du politique.
Si toutes comptent sur les cotisations des licenciés (argent "du public"), certaines, privilégiées en raison de leur exposition médiatique, ont également des sponsors qui font baisser la part publique de leur budget. Les subventions représentent ainsi moins de 1% du budget de la Fédération de football (215 M EUR) mais plus de 90% de celui du pentathlon moderne (autour d'un million d'euros).
Les fédérations bénéficient d'une aide financière mais également humaine de la part de l'Etat: près de 1600 cadres d'Etat, les CTS (Conseillers techniques sportifs), payés par le ministère des Sports environ 2500 euros par mois en milieu de carrière. Ces CTS, chapeautés par le directeur technique national (DTN), restent des fonctionnaires placés auprès des fédérations, chargés notamment de rapporter l'usage de l'argent public.
LA QUESTION DES DOUBLES SALAIRES
Salariés par le ministère des Sports, deux tiers des CTS percevaient en 2013 un second salaire de la part de leur fédération, selon un rapport de la Cour des Comptes. Manière d'empêcher la fuite des meilleurs vers des pays plus généreux.
Ces rémunérations fédérales, officielles depuis une loi de 2015, doublent, voire triplent parfois celles versées par l'Etat, employeur officiel et à ce titre censé attendre de ses fonctionnaires une loyauté totale.
Dans certaines fédérations aisées, les compléments de salaire des DTN atteignent plus de 100.000 euros par an. "Imaginons qu'un fonctionnaire des impôts chargé du contrôle fiscal d'une entreprise perçoive une prime de cette même entreprise lors du contrôle", s'indigne Médéric Chapitaux, ancien CTS des sports de contact, dans son ouvrage "Le sport, une faille dans la sécurité de l'Etat".
Le secrétaire d'Etat aux Sports Thierry Braillard justifie ces "compléments financiers": "Le DTN du tennis ne peut pas toucher 2500 euros par mois quand l'entraîneur individuel d'un joueur perçoit deux ou trois fois plus. Ce qui est important, et c'est inscrit dans la loi du 25 novembre 2015, c'est que le lien de subordination relie les cadres à l'Etat, et non aux fédérations", dit-il.
Un lien qui n'a rien d'évident. "Dès l'instant où le complément de salaire et les primes de la fédération dépassent mon salaire du ministère, cela veut dire que je change d'employeur", juge ainsi le DTN d'une "petite" fédération, à qui l'on avait proposé une rétribution fédérale supérieure à son salaire de fonctionnaire.
LES HYPER PRESIDENTS
Les doubles salaires fédération-ministère ne concernent pas uniquement les cadres d'Etat placés auprès des fédérations. Ils peuvent, moins fréquemment certes, être perçus par leurs présidents lorsque ceux-ci sont d'anciens cadres d'Etat qui se font décerner, par vote de leur comité directeur ou bureau, une seconde rémunération, versée par la fédération. Ce fut, dans le passé, le cas du président de la Fédération française de judo, de badminton, de canoë-kayak, etc.
"Le nombre de présidents de fédérations qui sont mis à disposition à mi-temps ou plein temps n'est pas très sain", estime un ancien ministre des Sports.
Au-delà de ces pratiques, les fédérations sont touchées par le cumul dans le temps des mandats. Plusieurs présidents s'apprêtent à briguer un cinquième, sixième, voire septième mandat de quatre ans, à l'image de Francis Luyce, président de la Fédération de natation depuis 1993.
"Il y a clairement des présidents qui se représentent en partie de peur qu'une nouvelle équipe ne découvre leur gestion", assure l'ancien ministre des Sports.
UNE SURVEILLANCE QUASI IMPOSSIBLE
Selon le code du sport, les fédérations risquent, en cas d'abus caractérisés, un retrait de délégation ou d'agrément.
L'Etat pourrait également leur retirer ses cadres. Le ministère des Sports ne s'est jamais aventuré si loin. Il y a huit ans, le secrétaire d'Etat Bernard Laporte avait provoqué une guerre larvée avec le mouvement sportif pour avoir proposé une limitation des mandats présidentiels. Depuis, aucun de ses successeurs n'a osé s'ingérer à ce point.
Interrogé sur les hésitations de l'Etat à cautionner son projet (privé) de Grand Stade, le président de la Fédération française de rugby (FFR) Pierre Camou, qui sollicitera en décembre un troisième mandat, avait dit tout haut ce que ses collègues pensent tout bas: "Les ministres passent, moi je reste".