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© AFP/LEON NEAL
Affrontements entre la police et les supporters, le 10 juin 2016 à Marseille
Interdire la vente d'alcool dans tout ou partie des villes-hôtes de l'Euro-2016 à l'occasion des matchs: pour les autorités, il s'agit d'éviter de nouveaux affrontements entre hooligans, mais cette "fausse bonne solution" n'aura des effets qu'"à la marge", selon des spécialistes.
. UNE MESURE SIMPLE ET RAPIDE
Après le choc provoqué par les affrontements du week-end à Marseille entre supporters russes et anglais, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a demandé dimanche aux préfets de "prendre toutes les mesures utiles visant à prohiber les veilles et jours de match et les jours d'ouverture des fan zones dans les périmètres sensibles la vente, la consommation et le transport de boissons alcoolisées".
Dès lundi, le préfet de Haute-Garonne a interdit "la vente, la consommation et le transport à titre non professionnel de boissons alcooliques sur le domaine public" aux abords du Stadium de Toulouse et dans certains quartiers du centre-ville.
Le préfet du Rhône a, lui, décidé d'interdire toute vente d'alcool à emporter "aux supporteurs et groupes de supporteurs des équipes" participantes dans les 59 communes de la métropole de Lyon les jours de matchs.
Dans la Loire, son homologue a interdit la vente, le transport et la consommation d'alcool sur la voie publique les veille et jours de matchs dans certains quartiers de Saint-Etienne. La veille et le jour du match Angleterre-Slovaquie (20 juin), les terrasses sur la voie publique seront également interdites.
. MAIS DIFFICILE A APPLIQUER...
L'annonce de Bernard Cazeneuve a suscité des interrogations: comment déterminer des "périmètres sensibles" dans des métropoles qui offrent une multitude de possibilités de rassemblement ? Pourquoi maintenir la consommation dans les bars et cafés, ou dans les fan zones et les stades (où est vendue la marque de bière sponsor de l'Euro) ? Pourquoi confier une mission de surveillance supplémentaire aux forces de l'ordre déjà énormément sollicitées ?
Lundi en fin de matinée, deux épiceries et un petit supermarché du centre de Lyon interrogés par l'AFP n'étaient pas au courant de l'interdiction. Aurélien, gérant d'un Carrefour City, restait sceptique: "Comment on fait pour reconnaître les supporters ?" Un peu plus loin, cinq supporters anglais croisés avec un pack de 26 bouteilles de bière expliquaient l'avoir acheté sans difficulté.
Dans son arrêté, la préfecture du Rhône a indiqué que les commerçants et distributeurs pourront "solliciter, si nécessaire, l'intervention des services de police pour leur faciliter l'application de cette interdiction".
... ET SANS EFFET SUR LES HOOLIGANS "PURS ET DURS"
"Dans les incidents de ce weekend, l'alcool est au plus un facteur aggravant, voire un facteur qui n'a aucune influence en ce qui concerne les hooligans russes", explique à l'AFP Nicolas Hourcade, sociologue spécialiste des supporters de football: "Les hooligans purs et durs comme en Russie, Pologne ou Ukraine conçoivent le hooliganisme comme un sport collectif de combat: ils s'entraînent, font des sports de combat, ce sont des professionnels de la violence. Ils n'ont pas besoin d'alcool pour se battre".
"Les principaux incidents ont été provoqués par des personnes tout à fait sobres", confirme Ronan Evain, coordinateur du programme "FSE - Fans' Embassies" chargé d'accueillir les supporters à l'Euro-2016. "C'est une fausse bonne solution (...) C'est de l'ordre de l'effet d'annonce", estime ce spécialiste des mouvements de supporters russes.
"Le contrôle de la vente d'alcool peut aider à la marge à éviter des incidents avec des supporters un peu excessifs", estime Nicolas Hourcade: "Si les hooligans interviennent au milieu de supporters alcoolisés, ça peut favoriser le passage à l'acte de certains supporters qui n'avaient pas prévu de se battre. L'ivresse publique dans la rue peut aussi déboucher sur des tensions avec les cafetiers, les populations locales, les forces de l'ordre, comme à Marseille lors des jours précédant le match".
Pour lui, il serait plus pertinent de faire venir en urgence des policiers spécialisés supplémentaires venant des pays "à risques". Durant l'Euro, huit policiers de chaque nation sont présents, et douze pour l'Angleterre. "A la Coupe du monde 2006, il y avait 72 policiers anglais et 76 polonais", rappelle-t-il.