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© AFP/GERARD JULIEN
Un cameraman en position pour la retransmission du match entre l'Atletico Madrid et Valence au stade Vicente Calderon, le 8 mars 2015
Quand on aime, on ne compte pas, mais jusqu'à quel point ? Les récents épisodes espagnols et franco-anglais du feuilleton des droits de retransmission télévisée du foot européen présagent d'une poursuite de l'inflation des tarifs, en dépit parfois d'un modèle économique incertain.
la Liga, dopée par la concurrence entre Movistar et Mediapro mais surtout par le changement de son modèle de distribution, a fièrement annoncé mercredi des droits TV revalorisés à 2,65 Mds d'euros sur trois ans (2016-2019) et jeudi, elle attribuait un nouveau lot pour plus 300 millions, soit au total 1,15 milliard de plus que lors de la période précédente. Il lui reste sept lots moins importants à attribuer.
Il y a une semaine, le groupe de médias et de télécoms Altice avait subtilisé à Canal+ les droits pour la France de la Premier League anglaise pour au moins 300 millions, soit plus de 100 millions de plus que ce dont s'acquittait la chaîne cryptée. Un contrat qui clôture une année faste pour le championnat anglais, renégocié en février en Grande-Bretagne au prix record de 6,92 milliards d'euros grâce à la rivalité des candidats, notamment les lauréats, Sky et BT, soit 70% d'augmentation.
Un investissement rentable ? D'un point de vue comptable, pas sûr.
"Les chaînes sont dans de telles stratégies concurrentielles que les prix flambent", note Nicolas Scelles, maître de conférences en économie du sport à l?Université écossaise de Stirling. "Elles ne peuvent pas se permettre de ne plus avoir de foot. Elles sont prêtes à perdre de l'argent pour le garder."
Un avis partagé par un autre économiste du sport, Bastien Drut. "Il y a un changement dans la manière dont les droits sont utilisés", remarque l'auteur de +Sciences Sociales Football Club+.
"Avant, les chaînes essayaient d'être rentables avec le produit foot. Aujourd'hui, c'est un produit d'appel pour vendre autre chose. En Angleterre, BT est déficitaire sur le foot mais cela leur permet d'attirer des clients à qui vendre un accès internet".
- De la marge en Asie -
En France, c'est Canal+ qui fait les frais de cette mutation, en étant dépossédée progressivement d'une partie de la L1, de la Ligue des champions et désormais de tout le foot anglais. "Il y a déjà des abonnés qui réagissent de manière véhémente, le modèle économique de la chaîne est perturbé", reprend Nicolas Scelles qui se dit "pas très optimiste" pour la chaîne de Vincent Bolloré, diffuseur historique déstabilisé d'un spectacle dont les partenaires peuvent désormais changer tous les trois ou quatre ans, au gré des appels d'offres.
Les dangers de l'inflation ne devraient pas pour autant la tarir. "Sur les marchés domestiques, les diffuseurs seront à un moment obligés de calmer le jeu. Les droits internationaux, encore parfois sous-évalués, pourraient alors servir de variable d'ajustement", reprend Nicolas Scelles, refusant de parler d'une bulle susceptible d'exploser, du moins à moyen terme.
D'autant plus que dans certains pays, l'Allemagne (579 millions d'Euros) et dans une moindre mesure l'Italie (945) et la France (748), les droits télés domestiques sont encore loin du duo de tête anglais et espagnol et demeurent amplement valorisables.
"On doit grandir à l'international parce que les autres le font", a ainsi insisté Christian Seifert, le PDG de la Bundesliga, lors d'un voyage à New York fin novembre. "Par le passé, la Bundesliga avait une approche très conservatrice pour l'expansion hors de son marché. Ce qui est un problème car un joueur brésilien qui évolue en Allemagne veut que sa famille puisse voir les matches. La retransmission dans le monde vous aide".
"Le foot est en forte croissance dans les pays asiatiques où les montants des droits restent faibles, c'est là que se situe la marge à l'avenir", rebondit Bastien Drut qui prévoit en même temps, pour les droits domestiques, "une décennie de visibilité sans baisse.
Ce qui limitera à terme l'inflation, c'est que les acteurs capables de mettre de telles sommes sur la table seront de moins en moins nombreux", ajoute-t-il.
Jusqu'à n'être plus qu'un... Et peut-être ainsi entamer la déflation.