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BeIN Sports a remporté mercredi une manche cruciale face à Canal+ dans la bataille autour des juteux droits de retransmission sportifs, la justice estimant que la chaîne qatarie n'exerçait pas de "concurrence déloyale" à l'encontre de la filiale de Vivendi.
La chaîne cryptée reprochait à BeIN Sports, financée par un fonds souverain aux ressources considérables, de perdre volontairement de l'argent en achetant à prix d'or des programmes sportifs et en ne vendant pas assez cher ses abonnements (12 euros mensuels contre 40 pour Canal+). Elle avait déposé plainte en juillet 2013 auprès du tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine), réclamant 293 millions d'euros de dommages et intérêts à sa concurrente.
La justice n'a pas donné suite à ses prétentions. Elle estime que le montant de l'abonnement proposé par BeIn Sports "est en adéquation avec les prix observés sur le marché", citant comme exemple l'offre de Canal+, Foot+, à 8 euros par mois ou celle de l'opérateur Orange, Orange Sport, à 6 euros.
Quant à l'achat de droits de retransmission télévisuelle, Canal+ a récemment investi "des sommes nettement plus importantes" que sa concurrente, est-il ajouté. La chaîne cryptée a notamment acquis les droits de la Ligue 1 de football pour 420 millions d'euros, tandis que BeIN Sports a déboursé 150 millions pour retransmettre une partie des rencontres.
Au final, note le tribunal, BeIN Sports, qui revendique plus d'un million et demi d'abonnés, n'est "pas en position dominante" sur le marché. Elle dispose certes de "moyens financiers très importants", mais "c'est aussi le cas pour le groupe de médias et de télécommunications Vivendi", dont fait partie Canal+.
"Cette décision légitime notre politique commerciale", s'est félicité Yousef Al-Obaidly, président de BeIn Sports France, dans un communiqué. Le tribunal "acte la rationalité de nos investissements et nous encourage dans notre choix d'offrir le meilleur au consommateur à un prix accessible", ajoute-t-il.
De son côté, Canal+ n'a pas souhaité faire de commentaires.
Depuis son lancement en juin 2012, la chaîne qatarie a dépensé plusieurs centaines de millions d'euros pour se faire une place en or dans le paysage audiovisuel sportif.
Elle a remporté l'appel d'offres de TF1 avec qui elle partage la diffusion de la Coupe du monde de football 2014. BeIN Sports diffuse le Mondial au Brésil en intégralité, dont 36 rencontres en exclusivité, tandis que les téléspectateurs pourront suivre sur la première chaîne 28 des 64 matches de la compétition. Lors de la précédente Coupe du monde, la filiale de Bouygues diffusait les rencontres avec Canal+.
- Hémorragie -
BeIN Sports a aussi "piqué" à la chaîne cryptée une partie de la Ligue des Champions, Wimbledon, le NBA et l'Euroligue de basket.
Face à cette hémorragie, la filiale de Vivendi a riposté, réussissant à conserver les droits du championnat de France de rugby (Top 14) des cinq prochaines saisons et la diffusion des meilleures affiches de la Ligue 1 de football pour la période 2016-2020.
"Elle a raflé la mise sur ces programmes mais elle a dû sortir beaucoup plus d'argent de sa poche et elle craint qu'avec BeIN les droits sportifs ne cessent de grimper de manière artificielle. C'est pour cela qu'elle s'en est remise à la justice", relève une source proche du dossier.
Lors de l'audience, le 11 mars, devant le tribunal de commerce de Nanterre, Canal+, qui estimait avoir perdu 187.000 abonnements depuis le lancement de sa rivale, avait réclamé 262 millions d'euros "en réparation" de cette perte et 31 millions supplémentaires pour atteinte à son image.
Elle avait aussi demandé au juge d'enjoindre à BeIN Sports d'établir une nouvelle grille tarifaire basée sur les coûts qu'elle supporte "effectivement", arguant que le tarif devrait être de 30 euros par mois pour 2 millions d'abonnés pour que les comptes de la chaîne qatarie soient à l'équilibre.