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© AFP/Kirill KUDRYAVTSEV
Le vice-Premier ministre russe Vitali Moutko, le 7 mars 2017, à Moscou
Un visage souriant devant les plus graves accusations de dopage organisé, un accent inimitable en anglais et une fidélité sans faille à Vladimir Poutine: Vitali Moutko, son vice-Premier ministre, est le Monsieur Sport de la Russie.
A 58 ans, le vice-Premier ministre russe chargé des Sports vient de voir les portes de la Fifa se fermer devant lui. Déclaré "non éligible" en raison de son poste au gouvernement et des "risques d'interférence et de conflit d'intérêt possible", M. Moutko a indiqué qu'il ne ferait pas appel et que la décision de la Fifa n'aurait aucun impact sur l'organisation dans son pays du Mondial-2018.
Mais la décision de la fédération internationale est un camouflet pour cet homme au coeur depuis des mois d'un scandale retentissant de dopage qui a terni l'image de la Russie, un pays qui affiche de fortes ambitions sportives sous l'impulsion de son président Vladimir Poutine.
Même si le vice-Premier ministre russe est écarté de la Fifa pour des questions relevant de l'éthique, son nom est surtout associé ces deux dernières années au vaste scandale de dopage visant le sport russe.
Il apparaît notamment dans le dernier rapport de l'Agence mondiale antidopage (AMA), rédigé par le juriste canadien Richard McLaren, qui met en évidence un dopage supervisé par les autorités russes lors des JO d'hiver 2014 de Sotchi et aux Mondiaux d'athlétisme de Moscou en 2013.
Si son implication directe n'est pas établie dans ces deux évènements, celui qui était depuis 2008 ministre des Sports est en revanche clairement mis en cause pour onze cas de dopage dissimulés par les autorités russes entre 2012 et 2015 concernant des joueurs de football. Ces derniers ont bénéficié de l'attention particulière de Vitali Moutko, qui préside également la Fédération russe de football et le Comité d'organisation de la Coupe du monde 2018 en Russie.
"Les échanges de courriers électroniques auxquels a eu accès la commission d'enquête montrent que la décision finale de falsifier les résultats provenait de +VL+", explique le rapport, "VL" désignant les initiales du prénom et du patronyme, Leontievitch, de Vitali Moutko.
En représailles, le Comité international olympique (CIO) avait refusé d'accréditer M. Moutko pour les jeux Olympiques de Rio en août.
- Laboratoire antidopage -
Malgré des appels internationaux à sa démission et la promesse russe de suspendre tous les responsables mis en cause dans le rapport, Vitali Moutko était non seulement resté en place, dénonçant des accusations "impossibles et irréelles", mais avait été promu en octobre vice-Premier ministre chargé des Sports.
Sa conseillère antidopage ou son vice-ministre des Sports Iouri Nagornykh, présenté comme "l'homme de liaison" du ministère indiquant au laboratoire antidopage de Moscou quels échantillons d'athlètes dopés conserver ou supprimer, avaient en revanche été suspendus après ces révélations.
Des scandales, Vitali Moutko en a déjà traversé beaucoup. Mais pour ses anciens collègues, l'homme se distingue par sa capacité à en sortir indemne.
"Dans le monde du sport, il y a toujours énormément de conflits d'intérêt ou de situations conflictuelles. Il a toujours pu les résoudre et mettre les gens d'accord", se souvient Andreï Malossolov, qui dirigea le service de presse de la fédération de football et travailla avec Vitali Moutko de 2005 à 2010.
Depuis, M. Moutko dut aussi affronter des scandales en Russie, notamment pour son rôle dans les jeux Olympiques de Sotchi en 2014, les plus chers de l'histoire. Il fut l'un des dirigeants supervisant des travaux qui atteignirent la somme pharaonique de 51 milliards de dollars sur fond d'accusations de corruption.
- Notes de frais -
Il a aussi été accusé de plus petites transgressions, comme ces notes de frais accumulées lors des jeux Olympiques de Vancouver de 2010, au cours de laquelle il occupa pendant 20 jours une suite à 1.000 euros et engloutit pas moins de 97 petits-déjeuners.
Mais M. Moutko bénéficie d'un atout clé: le soutien de Vladimir Poutine, avec lequel il cultive une longue amitié.
Comme pour nombre de figures du gouvernement russe, les liens de Moutko avec Poutine remontent au début des années 1990, quand les deux hommes travaillaient dans l'administration de Saint-Pétersbourg sous les ordres du maire de l'époque, Anatoli Sobtchak.
De 1992 à 1996, M. Moutko fut adjoint au maire de la seconde ville de Russie, chargé des problèmes sociaux.
Ils "avaient des relations amicales et c'est la raison pour laquelle Moutko a fini dans l'équipe de Poutine", assure Lioudmila Fomitcheva, qui travailla à l'époque avec les deux hommes.