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© AFP/JUNG YEON-JE
Le Kazakh Ilya Ilin lors de l'épreuve messieurs (94 kg) d'haltérophilie aux JO de Pékin, le 17 août 2008
L'haltérophilie croule sous le poids de la triche: la discipline représente près de la moitié des nouveaux cas de dopage révélés lors des JO de Pékin et Londres, au point que des experts s'interrogent sur l'avenir olympique de ce sport présent aux Jeux sans interruption depuis 1896.
Au 1er décembre, sur 104 cas de dopage identifiés rétroactivement lors des Jeux de 2008 et 2012, 48 concernaient l'haltérophilie, selon les chiffres du CIO. Qui varient quasiment tous les jours...
Le bilan risque de s'alourdir car les 1.243 échantillons réanalysés n'ont pas encore livré tous leurs secrets.
Pour l'haltérophilie, régulièrement touchée par le dopage comme l'athlétisme ou le cyclisme, ce bilan est désastreux. Ainsi le podium entier des -94 kg aux JO de Londres est-il entièrement à revoir et le 9e au classement pourrait hériter du bronze!
Le champion olympique, le Kazakh Ilya Ilin, positif à un stéroïde, devra rendre l'or, tout comme le Russe Alexandr Ivanov l'argent et le Moldave Anatoli Ciricu le bronze. Sacré également quatre ans plus tôt à Pékin, Ilin a là encore été contrôlé positif et disqualifié.
Ilin, pourtant désigné haltérophile de l'année par la Fédération internationale (IWF) en 2005, 2006, 2014 et 2015...
"Il y a manifestement un problème avec l'haltérophilie", constate un expert, proche du CIO. "C'est évidemment un des sports où le dopage peut apporter le plus de bénéfice. Il est aussi frappant que les pays de l'ex-bloc de l'Est concentrent plus de la moitié" de ces nouveaux cas.
"L'haltérophilie est clairement un sport à haut risque de dopage et le nombre très important de cas détectés par l'IWF en collaboration avec l'Agence mondiale antidopage (AMA) lors des championnats du monde 2015 à Houston, ainsi que par le CIO dans le cadre de la réanalyse d'échantillons le prouve clairement", réagit Olivier Niggli, directeur général de l'AMA.
- Enjeu de poids -
Dans ce contexte, les plus radicaux réclament purement et simplement son exclusion du programme olympique. "Les problèmes de l'haltérophilie ne sont pas nouveaux", souligne l'universitaire suisse Jean-Loup Chappelet. Et de rappeler que Dick Pound, membre du CIO, "parlait déjà d'exclure l'haltérophilie des Jeux avant la création de l'AMA (en 1999)".
"Ce serait à mon avis un signal fort que le CIO pourrait prendre. Mais c'est une décision difficile car l'haltérophilie est très populaire dans l'ancien bloc soviétique", ajoute ce spécialiste du mouvement olympique.
"Oui l'haltérophilie est en danger mais notre sport n'est pas plus menacé que tous les autres sports olympiques, rétorque Attila Adamfi, directeur général de l'IWF pour qui "tout sport olympique est en danger dans la mesure où l'Agenda 2020 du CIO recommande une plus grande rotation des sports, des disciplines ou des épreuves".
Le CIO réalisera en 2017 une révision de son programme dans l'optique des JO-2024, à la lumière des indicateurs de Rio 2016 et d'avant et de la qualité de la politique antidopage de l'IWF.
M. Adamfi, qui souligne que son sport est l'un des plus testés, estime cependant que les résultats des réanalyses à Pékin et Londres "soulèvent des questions".
- Possibles conséquences lourdes -
"Il y a quatre ans, j'ai combattu le Hongrois Tamas Ayan, devenu président de l'IWF, parce que je le trouvais trop laxiste sur le plan du dopage", confie Marc Andrieux, président de la Fédération française d'haltérophilie.
"Nous étions à l'époque plusieurs présidents de fédérations nationales à l'avertir des risques pour le statut olympique de l'haltérophilie, de voir se multiplier les cas, ajoute-t-il. Il a pris ces critiques en considération et a décidé que l'haltérophilie devait faire le ménage pour conserver son statut olympique".
"Depuis quatre ans, assure encore le Français, un gros travail a été fait. A chaque Championnat du monde ou d'Europe, il y a des bus entiers de tricheurs qui sont exclus".
De fait, avant Rio, l'IWF a exclu la Bulgarie, suspendu la Russie et retiré des quotas à plusieurs pays.
"Le CIO reconnaît les efforts de l'IWF, assure encore M. Andrieux "et est bien conscient que la vague de contrôles positifs aux JO-2008 et 2012 correspond à une période où ce travail n'avait pas commencé".
Pour M. Niggli, l'IWF dispose certes d'un programme antidopage "solide mais elle devra tirer les leçons des nombreux cas de dopage récents".