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© AFP/JEAN-FRANCOIS MONIER
Bernard Amsalem, alors président de la Fédération française d'athlétisme, le 24 juin 2016 à Angers
Silence des athlètes, ?illères des dirigeants, obstacles institutionnels et financiers... Les sportifs lésés par des adversaires dopés sont très peu encouragés à porter plainte afin d'obtenir réparation, alors que ce pourrait être un "instrument efficace" de lutte contre le dopage, estiment vendredi des spécialistes.
En France, jamais un sportif de haut niveau n'a tenté de porter plainte pour réclamer des dommages et intérêts à un tricheur, d'après Gérald Simon, arbitre au Tribunal arbitral du sport (TAS). Et de mémoire de juriste, guère plus à l'étranger...
Car, selon lui, il régnerait dans ce milieu une véritable "omerta" sur le dopage, "un système mafieux que les sportifs eux-mêmes organisent" autour de non-dits, a-t-il affirmé lors d'une conférence organisée à Paris par le Comité éthique et sport.
Pourtant, ce moyen d'obtenir réparation pourrait être "un instrument efficace dans la lutte contre le dopage. Le jour où un sportif engagera une procédure, cela devrait en faire réfléchir plus d'un en face", pense-t-il.
Le sujet du dopage serait également "tabou" au sein de certaines instances dirigeantes du sport, selon Bernard Amsalem, vice-président du Comité national olympique français (CNOSF) et membre du conseil exécutif de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF).
"Au CNOSF, dès que quelqu'un en parle, tout le monde baisse la tête. Et c'est abordé uniquement par le prisme médical, alors que c'est avant tout de la triche, une trahison par rapport aux valeurs du sport", dénonce-t-il.
L'ancien président de la Fédération française d'athlétisme déplore ainsi les barrières mises sur son chemin lorsqu'il a notamment proposé de "lever le secret professionnel pour les médecins du sport", d'infliger des amendes aux contrôlés positifs afin de "dédommager des sportifs qui ont subi un préjudice" ou de "créer un tribunal spécialisé dans le sport".
- 'Instants volés' -
Signe que les choses évoluent doucement tout de même, l'IAAF a ouvert en avril une "unité d'intégrité" qui aura la responsabilité de la réalisation des tests antidopage, des enquêtes et de la promulgation des résultats. Elle devrait également mettre à disposition des athlètes des juristes capables de les orienter.
"Il suffirait qu'un seul enclenche une procédure pour que d'autres suivent le mouvement", se réjouit d'avance M. Amsalem.
Mais la justice a un coût et beaucoup de sportifs n'ont "pas les moyens" d'engager des avocats, regrette-t-il en estimant "entre 40.000 et 100.000 euros" le prix d'un arbitrage au TAS.
© AFP/NICOLAS ASFOURI
La Française Muriel Hurtis pose avec sa médaille d'argent sur le podium du 200 m à l'Euro-2003 en salle, le 15 mars 2003 à Birmingham (Angleterre)
Pourtant, le préjudice sportif, financier ou moral est réel pour ces athlètes. L'ancienne sprinteuse française Muriel Hurtis a au total récupéré quatre "médailles au goût amer", certaines plusieurs années après la course, dont un titre de championne d'Europe en salle 2003 à Birmingham et une médaille de bronze du Mondial-2003 organisé au Stade de France.
"Ce sont des instants qui nous ont été volés. Ca aurait dû être des moments extraordinaires de joie et d'émotion", assure à l'AFP la native de Bondy.
La spécialiste du 800 m Linda Marguet, elle, a récupéré une médaille d'argent après le déclassement de deux Russes aux championnats d'Europe en salle 2011 à Paris. Elle imagine que sa carrière aurait pu être "différente" si elle avait pu monter sur le podium et reçu ainsi de l'argent de sponsors. "C'est une vraie perte financière, parce que l'athlétisme ne paie pas, sinon", dit-elle.
"Ecoeurée par le sport de haut niveau", Marguet, qui est depuis devenue infirmière, raconte avoir "songé" à aller au tribunal. "J'ai essayé de m'allier avec des sportifs plus connus, mais ils n'ont pas voulu, sûrement parce qu'ils ont une image à préserver. Et question dopage, il y a une certaine loi du silence", confie-t-elle.
Muriel Hurtis aussi y a pensé. Mais elle n'a pas "osé", question de "tempérament", mais espère que d'autres en auront la possibilité: "A force de scandales, ce serait absolument légitime".