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Des substances dopantes saisies par la police suédoise lors de l'Euro d'athlétisme, le 14 août 2006 à Göteborg
Un rapport universitaire révélant une politique de dopage organisé en RFA à partir des années 1970 fait des vagues en Allemagne, pays qui considérait jusqu'ici ce type de pratique comme l'apanage de la seule RDA.
Des représentants de la quasi-totalité de l'échiquier politique se sont emparés de cette histoire, en pleine campagne pour les élections législatives du 22 septembre.
Samedi, le quotidien bavarois Süddeutsche Zeitung (SZ) a consacré sa Une à ce rapport de 800 pages, resté confidentiel, qui émane de chercheurs de l'Université Humboldt de Berlin et affirme qu'une politique de dopage systématique a été mise en place en Allemagne de l'Ouest, à partir de la création en octobre 1970 de l'Institut fédéral pour la recherche sportive (BISp).
Placé sous la tutelle du ministère de l'Intérieur, cet institut "regroupait les élites de l'approche scientifique du sport et des fédérations sportives" et a coordonné "pendant des dizaines d'années une vaste campagne de tests sur des substances encourageant la performance", comme les anabolisants ou l'EPO, écrit le quotidien.
Selon les chercheurs qui ont travaillé à partir d'archives et d'entretiens avec une cinquantaine de témoins, les décideurs politiques ouest-allemands étaient au courant de ce que faisait le BISp et lui ont même offert un soutien tacite, via un financement public qui est pour le moment estimé à environ 10 millions d'euros.
"Mêmes conditions" qu'à l'est
Un témoin cité dans cette enquête universitaire rapporte un propos d'un ministre de l'Intérieur de l'époque: "Nos athlètes doivent bénéficier des mêmes conditions de préparation que celles dont disposent les athlètes de l'est".
L'article a suscité de très vives réactions dans un pays qui justement croyait ce type de programme réservé à l'ex-dictature communiste. "Faire la lumière sur ses pages sombres, déboulonner les mythes, c'est un processus douloureux, ça, les gens de l'est le savent très bien. Et c'est ce même processus douloureux que doit désormais entamer la République de Bonn (l'ancienne capitale de RFA)", écrit ainsi le quotidien berlinois Tagesspiegel, dans son édition de dimanche.
Le porte-parole du groupe parlementaire des sociaux-démocrates (SPD - opposition), Thomas Oppermann, s'en est pris au ministre de l'Intérieur, Hans-Peter Friedrich (CSU - conservateur) l'accusant d'avoir voulu censurer ces révélations, en ne publiant pas le rapport, pourtant commandité par le BISp, sous tutelle de son ministère.
Un porte-parole a répondu que le ministère de l'Intérieur avait au contraire "grand intérêt à ce que le passé du dopage dans les deux Allemagne fasse l'objet d'une investigation et d'une évaluation sans faille".
Réunion extraordinaire demandée au Bundestag
Il a par ailleurs promis que le rapport serait bientôt publié "pour rendre possible cette évaluation ainsi qu'une discussion détaillée dans les sphères politique et sportive".
Une réunion extraordinaire de la commission du Bundestag (chambre basse du parlement) en charge des questions sportives est d'ores et déjà envisagée. "Le groupe SPD a déjà demandé une réunion extraordinaire, lundi je vais en informer les intéressés et demander officiellement au président du Bundestag, Norbert Lammert, son accord", a déclaré à l'agence DPA la présidente de cette commission, Dagmar Freitag (SPD). Une initiative soutenue par les libéraux du FDP, membres de la coalition au pouvoir.
Du côté de la CDU, le parti d'Angela Merkel, Wolfgang Bosbach, en charge des questions de politique intérieure, demande des explications immédiates estimant qu'une telle pratique "ne peut en aucun cas être justifiée ou excusée".
Quelques acteurs concernés par le rapport ont également pris la parole. Ainsi Walther Tröger, 84 ans, bras droit de Willi Daume, ex-président du Comité olympique ouest-allemand de 1961 à 1992 et directement mis en cause dans l'article du SZ. Selon lui, son mentor, aujourd'hui décédé, a "toutes ces années combattu le dopage de manière convaincante".
"Je suis convaincu qu'il n'y a jamais eu de dopage systématique sous le contrôle du ministère de l'Intérieur, du BISp ou des organisations sportives", a-t-il estimé.