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Les amis de Nelson Bad se trémoussent, chantent et s'embrassent pour célébrer la victoire du Brésil face au Cameroun (4-1) dans la favela de Vidigal, célèbre pour sa vue imprenable sur les plages des quartiers riches de Rio de Janeiro.
Non loin de là, dans un hôtel de luxe récemment construit au sommet de ce "morro" ("colline") auparavant sous le contrôle des trafiquants de drogue, le Norvégien Petter Solli, 49 ans, bondit au second but de la star brésilienne Neymar.
L'explosion des pétards couvre la joie des riches comme des pauvres dans l'entrelacs des rues abruptes de cette favela entourée de forêt tropicale.
Dans les habitations sommaires, les "churrascos" ("barbecues") sont déjà brûlants et généreusement arrosés de bière.
A deux pas, Brésiliens aisés et touristes en quête d?authenticité ont gravi les pentes de la favela à pied ou en moto-taxi pour vivre l'expérience Coupe du monde dans une favela.
Des deux côtés, on profite du panorama exceptionnel et le maillot de la Seleçao est de rigueur. On crie de joie de concert et les vuvuzelas résonnent de toutes parts.
Vêtue de vert, l'étudiante Fernanda Pires, 23 ans, n'aurait jamais imaginé il y a encore quelques années pouvoir venir assister à un match dans une favela.
"Avant, c'était dangereux, mais maintenant Vidigal est un lieu réputé dans tout Rio pour sa vue exceptionnelle", explique-t-elle à côté d'un groupe d'amies de l'université arborant des couronnes soignées de fleurs jaune et vert.
Fille de médecins résidant dans le quartier central de Tijuca, Fernanda se rend dans une favela pour la deuxième fois de sa vie.
- Pacification et spéculation -
En 2011, la police a occupé Vidigal dans le cadre de son programme de "pacification" des quartiers démunis auparavant mis sous la coupe réglée des trafiquants de drogue.
Depuis, elle attire de nombreux touristes en quête d?authenticité dans les bars, hôtels et restaurants qui poussent comme des champignons.
Revers de la médaille, cette pacification a été accompagnée d'une rapide inflation immobilière et un appartement de 30 m2 qui se louait pour 90 dollars mensuels avant l'arrivée de la police est désormais négocié pour cinq fois plus.
Il se dit que l'ex-star du football anglais David Beckham a lui-même acheté une maison à Vidigal.
"Si, si, une belle villa là-haut", confirme Nelson Bad, 70 ans, qui organise ce lundi une grande fête devant chez lui avec 50 personnes et des musiciens.
Nelson regrette que les maisons du quartier aient "atteint des prix inabordables pour les paies des travailleurs du coin".
Ce retraité assure qu'il est d'ailleurs décidé à ne jamais quitter son domicile. Sauf bien sûr si l'on vient lui faire une "offre irréfusable".
- 500 dollars la nuit -
Pour entrer à l'hôtel Mirante do Avrao, où Fernanda observe la partie animée par un groupe de samba, il faut s'acquitter d'une admission de 13 dollars. Pour la bière, c'est 3,6 dollars, un tarif prohibitif pour les riverains.
Luiz Alberto Correa, octogénaire qui a passé l'essentiel de sa vie dans la favela, ne voit pas d'un mauvais oeil cet afflux de touristes, alors que la police n'osait pas y entrer il n'y a pas si longtemps.
"Il y a cinq ans, on ne pouvait pas discuter tranquillement ici sans craindre les trafiquants qui circulaient avec leurs armes", rappelle-t-il.
Dans l'hôtel, on peut distinguer des Allemands, des Norvégiens, des Anglais et des Brésiliens qui prennent à tour de rôle des "selfies" devant la superbe vue.
Le Norvégien Petter Solli, à la barbe fournie, paie 500 dollars la nuit le droit de dormir à Vidigal. Pendant le match, il se dit enchanté par "ce lieu unique et différent".
A la fin du match, la musique reprend de plus belle et ne s'arrêtera qu'au petit matin... sur la belle terrasse en bois comme dans les maisons de briques.