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Le ministre des Sports Patrick Kanner visite vendredi le laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry, longtemps considéré comme l'un des meilleurs au monde mais dont l'aura s'est affaiblie, au point de ne susciter aucune candidature de poids à quelques semaines du départ prévu de sa directrice Françoise Lasne.
"Le labo se délite". Le jugement émane d'un ancien collaborateur de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), autorité de tutelle du laboratoire, qui fut témoin des années fastes puis de la lente perte de vitesse de "Châtenay". "Aujourd'hui, ni Floyd Landis ni Lance Armstrong n'auraient de soucis à se faire", poursuit-il, évoquant ces deux grandes affaires qui ont touché le monde du cyclisme et permis à l'établissement d'établir sa réputation.
Depuis la mort en janvier 2010 de son ancien directeur, Jacques de Ceaurriz, le labo de la banlieue parisienne n'a plus investi dans la recherche, plus publié dans les revues scientifiques, plus mis au point de nouveaux tests de détection, quand ses homologues de Lausanne (Suisse), Cologne (Allemagne), Gand (Belgique) ou Barcelone (Espagne) se perfectionnaient sans cesse, formalisant le dépistage de l'hormone de croissance, de l'Aicar ou le passeport hématologique.
Pire, à deux reprises ces dernières années, Châtenay a été à la limite de perdre l'accréditation délivrée par l'Agence mondiale antidopage (AMA) à 32 laboratoires dans le monde. "Lorsque les labos ne sont pas assez pointus dans leurs analyses, ils déclarent, en cas de doute, un résultat négatif pour ne pas prendre de risque", explique un scientifique impliqué dans le contrôle de Châtenay, et qui souhaite lui aussi rester anonyme. "Ca l'AMA le sait. Cela fait baisser la côte".
- Trop éloigné de l'université -
Poussée en 2010 à prendre la succession de Jacques de Ceaurriz, son ancien bras droit, Françoise Lasne, n'a jamais depuis retrouvé la liberté de man?uvre qui lui avait permis de mettre au point, en 2000, le test EPO ayant assis la notoriété du labo. Et donné aux Français une première cartouche contre Lance Armstrong, piégé en 2005 par l'analyse rétroactive à fin de recherches de ses échantillons d'urine du Tour 99.
Pris par la routine des quelque 11.000 tests effectués chaque année, le laboratoire n'a pas assez investi dans certaines techniques comme la spectrométrie de masse et les appareils de dernière génération. Aujourd'hui, Châtenay-Malabry ne fait même pas partie de la demi-douzaine d'établissements accrédités par l'AMA pour réaliser le volet stéroïdien du passeport biologique.
"Il manque un patron rompu à la recherche, des thésards, un environnement scientifique puissant", reprend l'ancien collaborateur de l'AFLD. Un temps évoqué, le rapprochement entre Châtenay et l'université Paris Sud établie à Orsay a capoté devant la résistance du personnel du laboratoire. C'est pourtant le modèle qu'ont choisi Lausanne, Cologne, Barcelone, bref, les leaders du secteur.
- La Cour des comptes s'en mêle -
L'opération était pourtant ardemment soutenue par l'AMA, qui prône en outre dans ses standards l'indépendance des laboratoires antidopage par rapport aux agences nationales comme l'AFLD. Une situation de tutelle encore en vigueur dans de rares pays comme la Chine... et la France.
Françoise Lasne, qui a atteint l'âge de la retraite, doit quitter son poste au 31 décembre. A ce jour, l'AFLD n'a reçu aucune candidature sérieuse à sa succession, faute aussi d'appel d'offres bien mené. L'offre d'emploi publiée au printemps par l'agence sur un site spécialisé n'a suscité aucune réaction. Et pour cause: l'adresse de réponse était erronée...
Intriguée par la difficulté à retrouver un patron d'envergure pour ce labo qui fut l'un des fers de lance de la lutte antidopage mondiale, la Cour des comptes a demandé des éclaircissements sur la gestion de Châtenay, qui fonctionne uniquement grâce à des fonds publics.
Entre-temps, la seule candidate, la N.2 du laboratoire d'Athènes, au CV jugé un peu mince, avait vu son dossier rejeté une première fois par le collège de l'Agence, contre l'avis de son président, Bruno Genevois. Une première dans l'histoire de l'institution. Faute de mieux, sa candidature devait être reproposée jeudi matin au Collège, au grand dam de la plupart des scientifiques qui le composent.