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© AFP/CARINA JOHANSEN
Les deux prodiges des échecs Sergueï Kariakine et Magnus Carlsen, lors du tournoi de Stavanger, le 18 mai 2013
Les spécialistes annoncent "le match d'échecs le plus intéressant depuis 30 ans": vendredi, à New York, le champion du monde, le Norvégien Magnus Carlsen, défendra son titre contre le Russe Sergueï Kariakine.
La partie, qui commence à 18H00 GMT, a lieu deux jours après le séisme politique qu'a été l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis.
Invité par le président de la Fédération internationale des échecs (FIDE) Kirsan Ilioumjinov à donner le coup d'envoi à ce championnat, le nouveau président américain n'a pas confirmé sa présence.
Rarement un Championnat du monde des échecs aura opposé des joueurs aussi jeunes: Kariakine a 26 ans et Carlsen les fêtera le 30 novembre, jour de clôture de la compétition.
"Cela fait très très longtemps que nous n'avons pas eu un match où les joueurs ont le même âge!", s'enthousiasme auprès de l'AFP la légende des échecs Anatoli Karpov.
Tous deux nés en 1990, les deux joueurs sont rivaux depuis leurs premiers coups sur l'échiquier: à 12 ans et 7 mois, le Russe est devenu le plus jeune grand maître international de l'Histoire, talonné de près par le Norvégien qui a obtenu le même titre à l'âge de 13 ans.
Si Carlsen a la cote chez les bookmakers, le prodige Kariakine garde toutes ses chances de remporter ce tournoi, ainsi que les 600.000 euros à la clé. Le perdant se consolera avec 400.000 euros.
Au cours des 12 matchs prévus pour cette compétition, les joueurs gagnent 1 point en cas de victoire et 0,5 point en cas de match nul. Le premier à atteindre 6,5 points est déclaré vainqueur du championnat. S'il y a égalité au bout des 12 parties, de nouveaux matchs seront organisés.
Le Russe, qui s'entraîne au moins six heures par jour, est épaulé par cinq entraîneurs. Enfant, il était meilleur joueur que Carlsen mais aujourd'hui, il ne voit "pratiquement aucun point faible" chez son adversaire, avoue-t-il à l'AFP.
Comme Kariakine, Carlsen s'entraîne en grande partie grâce à des programmes informatiques. "Ils jouent un jeu très similaire: technique solide, bonnes ouvertures et capacité à prendre des décisions rapidement", explique Iouri Dokhoian, l'un des entraîneurs de Kariakine.
- Pas de 'bataille idéologique' -
Nés peu avant la chute de l'Union soviétique, les deux jeunes hommes sentent souffler sur l'échiquier un parfum de Guerre froide, alors que les relations entre Moscou et les Occidentaux connaissent de graves tensions en raison de leur opposition sur le conflit syrien et la crise ukrainienne.
Avec un joueur russe et un joueur occidental, le championnat n'est pas sans rappeler, toutes proportions gardées, celui de 1972, pendant la guerre froide, surnommé le "match du siècle", au cours duquel le Soviétique Boris Spassky avait perdu contre l'excentrique grand maître américain Bobby Fischer.
"Aujourd'hui, on attend le même type de match, sauf que cette fois, la compétition ne doit pas devenir une bataille idéologique", espère auprès de l'AFP Kirill Zangalis, porte-parole de la Fédération russe d'échecs.
Un voeu qui n'est pas partagé par l'extravagant Kirsan Ilioumjinov: lui souhaite au contraire "ressusciter la fièvre des échecs de cette époque".
© AFP/ANDER GILLENEA
Le champion norvégien des échecs Magnus Carlsen, lors de la finale des Maîtres de Bilbao, le 19 juillet 2016
"C'était alors l'URSS contre les États-Unis. Aujourd'hui c'est l'Union européenne, les Américains et leurs sanctions contre la Russie", a lancé à Moscou devant la presse M. Ilioumjinov, qui ne peut se rendre aux Etats-Unis, depuis qu'il a été inscrit en 2015 sur une liste noire pour son soutien présumé au régime syrien.
Les échecs sont considérés en Russie comme "un sport particulièrement russe", d'où leur importance pour le pays, explique M. Zangalis.
A l'époque de l'URSS, les joueurs d'échecs incarnaient la suprématie du système soviétique et, de même que les champions sportifs ou la troupe du Bolchoï, ils étaient censés contribuer à assurer le prestige du pays à l'étranger.
- Un match passionnant, mais peu risqué -
Si pendant les instables années 1990, les échecs ont un peu perdu de leur popularité en Russie, ils reviennent désormais à la mode: "la Fédération russe des échecs enregistre un nombre record d'inscriptions cette année dans les clubs", se réjouit Kirill Zangalis.
Et pour nourrir l'intérêt grandissant du public pour les échecs, la FIDE n'hésite pas à faire appel aux nouvelles technologies: ainsi, un dispositif de réalité virtuelle permettra à certains spectateurs d'assister aux Championnats au plus près de l'échiquier.
Seul regret: le jeu sera rôdé, sans action d'éclat, prévient Anatoli Karpov. "Avec un championnat en seulement 12 parties, les joueurs ne peuvent pas se permettre de prendre de risques", explique-t-il.
Mais M. Zangalis en est certain: ce sera "le match d'échecs le plus intéressant" depuis celui qui avait opposé les Russes Anatoli Karpov et Garry Kasparov, qui avait débuté en septembre 1984 et s'était achevé en... février 1985.