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Ils ont beau briller sur les podiums olympiques ou mondiaux, les champions français de canoë-kayak se doivent d'être des as de la débrouille pour parvenir à financer leurs saisons au plus haut niveau.
"On est des bricoleurs du sport de haut niveau", reconnaît Denis Gargaud, champion du monde 2011, qui a décroché jeudi son billet pour les jeux Olympiques de Rio en C1.
Souvent obligés de travailler à côté, les céistes et kayakistes bouclent tant bien que mal leurs budgets grâce aux aides de la fédération, des collectivités locales ou au soutien de partenaires privés.
"Mais on a coutume de dire que pour ces athlètes, le sponsor numéro un, c'est la famille", sourit le directeur des équipes de France de slalom, Bertrand Daille.
"Mes parents m'aident tant qu'ils peuvent" car "chaque début d'année, on ne sait pas comment on va finir la saison", confirme Pierre-Antoine Tillard, vainqueur de la finale de la Coupe du Monde en C1 l'été dernier à Pau.
Pour mutualiser les ressources, Tillard, qui évolue en dehors du cadre fédéral, et une vingtaine d'autres athlètes ont crée à Pau une association (Team Kayakinpy) à travers laquelle ils emploient deux coaches et un préparateur physique.
"C'est le système D", souligne le Charentais, qui doit acheter lui-même certains de ses bateaux (autour de 2.200 euros), et les revend ensuite d'occasion pour rentrer dans ses frais.
- Entassés dans des voitures de location -
"On s'entasse dans les voitures de location. En Australie, une fois, j'ai dû carrément acheter une voiture car c'était moins cher mais j'ai eu plein de galères", abonde Sébastien Combot, champion du monde 2007 en K1 et médaillé d'argent aux Mondiaux 2014, qui se déplace de compétition en compétition avec son camping-car.
Et "sans mon salaire" de chargé de mission à la communauté d'agglomération de Pau, "je ne pourrais pas pratiquer mon sport comme je le fais", ajoute-t-il.
Afin d'aider les athlètes à vivre leur passion plus sereinement, le ministère des Sports et la fédération de canoë-kayak tentent de leur obtenir des conventions d'insertion professionnelle (CIP) avec des entreprises comme la RATP, la SNCF ou EDF qui leur permettent de disposer d'horaires de travail aménagés pour leurs entraînements.
Denis Gargaud, employé de la société de services informatiques Altersis via une CIP, en est un exemple. Mais bien qu'il soit l'un des meilleurs de sa discipline et soit soutenu aussi par EDF, le Marseillais recherche également les économies et a notamment développé avec son constructeur un bateau pouvant se séparer en deux pour ne pas avoir à payer de lourdes surtaxes aux compagnies aériennes.
Plus "artisanal", Sébastien Combot se souvient lui d'amis ayant dû scier leur kayak avant d'embarquer pour un stage en Australie et le recoller à l'arrivée...
- Le sésame des JO -
Pour tous ces athlètes, décrocher un billet pour les Jeux est donc fondamental. Sur le plan sportif mais aussi financier, grâce à la visibilité qu'ils apportent.
"Quand on ressort avec un podium olympique, la carrière change", juge le Directeur Technique National, Philippe Graille.
Triple champion olympique (2000, 2004, 2012) et porte-drapeau du canoë-kayak français jusqu'à la fin de sa carrière en 2012, Tony Estanguet en a fait l'expérience.
"Durant les premières années, c'était vraiment de la débrouille. Je peux vous dire qu'on était précurseurs dans le covoiturage pour faire des économies ! Mais du coup, dans ces conditions, tu ne peux pas être à 100% dans ta préparation", admet le champion palois.
"Dans un sport comme le nôtre, c'est très difficile si on ne dispose pas de la visibilité des JO. Il a fallu que je gagne deux fois les Jeux pour commencer à intéresser des partenaires. Mais après, cela n'avait plus rien à voir, j'avais les moyens de me préparer sereinement, je n'avais plus à acheter mes bateaux ou à penser aux billets d'avion", poursuit-il.
Un rêve pour tous les kayakistes en quête d'un billet pour Rio.