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© AFP/Pascal Guyot
Les supporteurs de l'équipe du Mali devant un téléviseur à Douentza le 6 février 2013 durant la demi-finale de la CAN-2013 contre le Nigéria
"Ah, pauvre Mali!". Le cri a fusé, mercredi, devant les mini-téléviseurs disséminés aux halles de Bamako, après le quatrième but encaissé face au Nigeria. "Une victoire en demi-finale de la CAN aurait pu nous distraire de cette guerre", dit un employé de commerce, après la défaite 4-1.
Diakari Dia, 21 ans, se dit "trop énervé" pour commenter quoi que ce soit. Mais il fustige, en bambara, "des joueurs qui ne jouent pas et ne font que tomber" et "un entraîneur français (Patrice Carteron, nommé en juillet 2012, ndlr) qui ne sait même plus quoi faire".
Comme les autres jeunes massés dans les allées sombres du marché, il a "zappé" à la mi-temps lorsque le score était déjà de 3-0 pour regarder d'un oeil un film américain... Histoire de ne pas avoir à supporter les propos d'un commentateur malien qui vantait, d'une voix endeuillée, "l'agressivité" des Super Eagles du Nigeria.
"Mais il est nul, ce gardien-là!", se lamente Issa Keïta, jeune "vendeur d'habits". "Je préférerais ne pas être Malien! On est éliminés à chaque demi-finale! La troisième place a été faite pour nous...", dit-il en référence à la 3e place du Mali lors de la précédente CAN en 2012.
Dans le quartier animé du fleuve, un quart d'heure avant la fin de la rencontre, la plupart des supporters se sont levés et ont quitté le bistrot "Le bafing". "Au premier but, c'était morose. Au second, on a senti que le Mali allait peut-être remonter. Au troisième, la moitié de mes clients sont partis. Au quatrième, il ne restait plus que les fidèles", constate le patron, Ibrahim Tounkara, 52 ans.
La devanture de son établissement porte le tout récent slogan "pour un Mali uni, entièrement, pour toujours" et deux colombes de paix emportant des drapeaux français et maliens... "On avait peint ces colombes à la fin 2012, avant même le début de l'intervention des soldats français (le 11 janvier, ndlr). On savait que la guerre, seul, le Mali ne pouvait pas la faire".
"Mais la guerre n'a rien à voir avec le football!", assure M. Tounkara. "Aujourd'hui, les Aigles maliens se sont retrouvés face au grand Nigeria, c'est tout".
Mais la déception du Mali est immense, "parce que le foot devient une religion, ici".
© AFP/Pascal Guyot
La déception des supporteurs du Mali le 6 février 2013 à Douentza après la défaite face au Nigéria en demi-finale de la CAN-2013
Kader Maïga, journaliste de 49 ans, commente d'un ton diplomate: "L'équipe malienne n'est pas bien structurée. Le pays est en guerre. Et, depuis dix mois, nous avons connu l'occupation du Nord. Arriver troisième ou quatrième de la Coupe d'Afrique des nations, c'est déjà une victoire!", soutient le journaliste originaire de la cité emblématique de Tombouctou, mutilée par les jihadistes.
Dans la petite ville de Douentza (centre), les petits groupes électrogènes se sont mis à ronronner juste avant le match, pour alimenter les téléviseurs installés dans les maisons, ou devant de nombreuses boutiques sur le marché, où des groupes de supporters se sont agglutinés par dizaines sur quelques mètres carrés.
Harouna Dolo, 43 ans, n'en a cure: il prie dans une petite cour ombragée. "Ca ne m'intéresse pas. J'ai remarqué que quand je suis le match, généralement le Mali perd", rigole-t-il.
Un acte de foi qui ne servira à rien: les buts nigérians se succèdent dans la consternation. Jusqu'à ce que ce Cheick Fantamady Diarra réduise enfin le score et sauve l'honneur du Mali: "Buuuuuuut!", hurlent une vingtaine d'hommes de tous âges, devant la télévision d'un petit magasin d'alimentation. "Mali, Mali!", entonnent les enfants, comme si c'était le but de la victoire.
Harouna lie le jeu à la situation politique: "On a voulu deux victoires, hélas, une pour la CAN, une pour la reconquête du Nord. Et pour la CAN, franchement on a perdu le moral, franchement on a essuyé!" (perdu).