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Un supporteur de l'Atletico Paranaense tabassé par des hooligans de Vasco de Gama, lors du match de championnat brésilien entre les deux clubs au stade de Joinville à Santa Catarina, le 8 décembre 2008
Un homme ensanglanté gît, inconscient, encore et encore roué de coups de pieds à la tête: ces images de hooligans ont fait le tour du monde, tranchant avec la trompeuse réputation festive du "pays du futebol", hôte du Mondial dans quatre mois.
Décembre dernier: les tribunes du stade de Joinville dans l'Etat de Santa Catarina (sud du pays) se sont transformées en champ de bataille entre ultras des clubs de Vasco de Gama (Rio de Janeiro) et de l'Atletico Paranaense (Curitiba, sud).
La rixe, achevée avec l'atterrissage tardif d'un hélicoptère des forces de l'ordre sur la pelouse et un bilan de quatre blessés graves, s'était produite deux jours après le tirage au sort des groupes de la Coupe du monde.
Ces images ont choqué la planète, affectant sérieusement celle du Brésil, et poussant sa présidente Dilma Rousseff à réagir fortement.
Le 1er février, une centaine de supporters de Corinthians ont envahi le centre d'entraînement du club pauliste. Déprédations, employés mollestés, et la ferme intention, non réalisée, de casser les jambes de deux attaquants jugés trop inefficaces. Un joueur a été touché au cou.
Ces ultras n'ont peut-être pas le sulfureux renom des hooligans anglais ou des "barras bravas" argentines. Mais ils infestent les compétitions locales, par petits groupes, avec pour objectif habituel d'agresser leurs homologues rivaux.
"Défendre notre drapeau"
Selon un décompte du quotidien sportif Lance, ces rixes ont fait 30 morts en 2013 au Brésil.
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Les "Gavioes da Fiel", fans des Corinthians, chantent lors du match de championnat paulista entre Corinthians et Portuguesa au stade Caninde à Sao Paulo, le 19 janvier 2014
"La bagarre est une conséquence", lâche Alan Mateos, supporteur ultra de Corinthians, accompagné au stade par une journaliste de l'AFP. De quoi ? "D'avoir à défendre notre drapeau", explique ce jeune de 25 ans. Il a intégré il y a plus de dix ans le groupe des "Gavioes da Fiel" ("Eperviers" de la communauté Corinthians) qui compte plus de 100.000 membres, un des plus importants du Brésil.
Alan et ses camarades se présentent comme des durs-à-cuire: torse nu, tatouages de slogans et écussons, vêtements rouge et noir aux couleurs du club qui bariolent les alentours du stade Canindé.
Les supporteurs du club local occupent la moitié des tribunes, beaucoup plus nombreux que ceux de l'adversaire. Il y a de l'adrénaline dans l'air ; l'ambiance est chaude, rythmée par un tambour et les chants, les cris, les insultes, les menaces.
"Antécédents criminels"
"Défendre Corinthians est notre passion, nous sommes là, toujours, à tous les matches", se rengorge Wagner da Costa, président des Gavioes. Y aura-t-il des bagarres pendant la Coupe du monde ? "Nous sommes +corinthiens+ avant d'être brésiliens", répond-il à l'AFP.
"Je ne crois pas qu'il arrivera quoi que ce soit, les groupes de supporteurs sont liés aux clubs, pas aux sélections", abonde Eduardo Carlezzo, membre de la commission sur le droit sportif au sein de l'Ordre des avocats brésiliens.
Pourquoi cette violence ? Wagner da Costa y voit "un problème de société". "Quand on va en banlieue, dans une discothèque, il y a plus de bagarres qu'au stade", relativise le président des Gavioes.
Certains spécialistes divergent. "Les groupes de supporteurs comptent beaucoup de personnes aux antécédents criminels qui viennent là pour causer des problèmes", assure Eduardo Carlezzo.
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Un supporteur, visage ensaglanté après avoir été passé à tabac par des hoolifgnas de Vasco de Gama lors du match contre l'Atletico Paranaense au stade de Joinville, le 8 décembre 2013
Selon lui, le Statut du supporteur, une loi de 2003 qui punit les fans violents d'amende et d'un à trois ans de prison, est insuffisant. "Il manque un meilleur contrôle, des informations des services de renseignement et une loi qui réprime plus sévèrement", soutient l'avocat.
"Mais la répression seule ne résoudra pas la question", souligne Bernardo Buarque de Hollanda, professeur à la Fondation Getulio Vargas et auteur de livres sur le supportérisme.
"A première vue, on croit qu'il ne s'agit que de jeunes de banlieue, au travail précaire et à bas niveau scolaire, sans aspirations à l'ascension sociale, dit-il à l'AFP. Mais la généralisation est risquée: je connais plusieurs leaders de groupes qui sont diplômés d'université et vivent dans la zone sud de Rio", la plus huppée de la ville.