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Pour les jeunes boxeurs de la favela de Maré, à Rio de Janeiro, l'important n'est pas de participer aux jeux Olympiques, comme bientôt l'idole du quartier Roberto Custodio. Mais de lutter pour rester en vie.
Roberto Custodio, 29 ans, membre de l'équipe olympique brésilienne de boxe, a grandi comme eux au milieu de la misère et de la violence quotidienne de ce vaste bidonville proche de l'aéroport international de Rio.
Son père y est mort assassiné. Il aurait pu connaître le même destin s'il ne s'était entraîné dur pour devenir athlète de haut niveau.
"J'ai vu que le sport pouvait me donner un rôle dans la vie", a-t-il confié à l'AFP à Sao Paulo, où il s'entraîne à six mois des JO.
"Je voulais être reconnu comme boxeur, pas comme délinquant. Et maintenant j'ai une chance de gagner les jeux Olympiques dans ma propre ville".
Custodio a enfilé pour la première fois les gants grâce à l'ONG Fight for Peace, une salle d'entraînement fondée par le Britannique Luke Dowdney.
Direct, crochet, uppercut: on y prend des leçons de boxe. De vie aussi.
Ce gymnase propret aux murs bleus contraste au milieu du paysage de maisons de parpaings et de tôle ondulée à moitié achevées de cette favela où vivent 100.000 personnes.
Maré borde l'autoroute qui mène de l'aéroport international au stade Maracana, où dirigeants, célébrités et touristes du monde entier se presseront le 5 août pour assister à l'ouverture des JO.
C'est un monde à part façon Mad Max. L'envers de la carte postale des plages, du Pain de sucre et du Corcovado vendue par les organisateurs.
Pour se rendre au gymnase à bord d'un véhicule de l'ONG, des journalistes de l'AFP doivent franchir un barrage de trafiquants.
Sur le trottoir, un groupe d'hommes filtre les passages, assis autour d'une table où sont déposés une arme de poing et de la drogue. Plus loin, un homme en tongs, fusil d'assaut à la main. D'autres circulent à moto, talkie-walkies et pistolets à la ceinture.
"Ne les regardez pas", met en garde le chauffeur de l'ONG. "Et ne prenez surtout pas de photos".
- La boxe ou le crime -
A l'intérieur du gymnase, une dizaine d'enfants de 6 à 12 ans sautent à la corde et frappent dans des sacs de sable. Puis commence un cours pour adolescents, au niveau très avancé pour certains.
"Le sport a fait beaucoup pour moi", témoigne Daniel Suarez, 16 ans. "Sinon, je ne serais pas ici aujourd'hui. J'aurais pu courir dans la rue avec un revolver".
"La plupart des mes amis me disent: +Moi j'ai choisi une autre vie, j'ai choisi le crime+. Mais moi, j'ai choisi la lutte, la compétition, le sport", poursuit-il
Leur modèle, Custodio, revient souvent à Maré où il est reçu en héros.
"C'est notre idole. Il nous inspire par son humilité, sa personnalité. Il donne aux jeunes le sentiment d'être quelqu'un parce qu'il s'entraîne avec eux et leur parle", explique Raissa Lima, une boxeuse de 20 ans.
L'entraîneur, Antonio Cruz de Jesus, alias "Gibi", regrette que les quelque 10 milliards de dollars dépensés pour les JO n'aient eu aucune retombée à Maré. Grâce à Custodio toutefois, "les jeunes d'ici attendent l'événement avec impatience".
- Des règles pour la vie -
Enseigner un sport violent peut sembler une façon étrange de former des citoyens modèles dans cette communauté où la police inspire plus de peur que les trafiquants.
Mais Gibi explique que l'enseignement principal de la boxe va bien au-delà d'apprendre à frapper l'adversaire.
"C'est une question de discipline, de se tenir à des règles. Dès lors, tout change dans votre vie. C'est ce que je transmets aux élèves", explique cet ancien membre de l'équipe brésilienne de boxe.
Bruno Brito, 19 ans et déjà 42 combats amateur, souligne que le gymnase n'accepte que les jeunes scolarisés.
"Ça t'empêche de traîner dans les rues. Beaucoup d'enfants finissent dans le trafic de drogue quand ils laissent tomber l'école", explique-t-il.
Les apprentis-boxeurs de Maré seront rivés devant leur télévision pour voir combattre Custodio au mois d'août.
Lui aussi pensera à eux en montant sur le ring olympique : "Je ne représente pas que le Brésil, je représente ma favela".