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© AFP/LLUIS GENE
L'entraïneur du Barça Luis Enrique suit le match face à Gijon au Camp Nou, le 1er mars 2017
Machine à broyer les entraîneurs, le FC Barcelone a fait une nouvelle victime mercredi avec le départ annoncé de Luis Enrique en juin, après trois saisons en poste. Signe qu'il est difficile de durer dans cet ogre planétaire qui se veut "plus qu'un club".
. Un quotidien harassant
Entraîner le Barça et Lionel Messi est le graal de tout technicien. Mais c'est cette position enviée que Luis Enrique s'apprête à quitter de son plein gré, à seulement 46 ans. Avec une seule justification: l'usure.
"La manière dont je vis cette profession (...) signifie pour moi très peu d'heures de repos et de déconnexion", a expliqué l'entraîneur asturien lors de l'annonce surprise de son départ mercredi soir.
Troisième technicien le plus titré de l'histoire du club (huit trophées) derrière les icônes Johan Cruyff et Pep Guardiola, "Lucho" aurait pourtant mérité, sur ses seuls résultats, de rester. Mais durer au Barça requiert un investissement personnel presque surhumain.
"Toute l'année comme ça, avec autant de compétitions, de matches, de déplacements, cela use énormément", confirme à l'AFP Alfonso Pérez, qui a joué avec Luis Enrique au Real (1991-1995) et au Barça (2000-2002).
"Quand on va dans un club comme celui-là, on sait à quoi on s'expose. Enormément de pression, le devoir de bien faire. C'est un examen en permanence", ajoute l'ancien attaquant international espagnol.
C'est d'ailleurs cette même fatigue qui avait poussé vers la sortie Guardiola (2008-2012), "vidé" après "une éternité" sur le banc blaugrana.
"Le temps arrive à tout user", disait alors le Catalan. "Cette usure, c'est le quotidien qui la crée, les entraînements au jour le jour tout au long de ces quatre années."
Ces dernières semaines, Luis Enrique semblait sur les nerfs, comme lorsqu'il a pris à partie un journaliste après la déroute subie mi-février face au Paris SG en huitièmes de finale aller de Ligue des champions (4-0).
"Se reposer, voilà le besoin évoqué par son langage non verbal depuis plusieurs mois", a analysé jeudi le quotidien catalan Sport. "C'est un mal endémique pour quiconque assume le défi extrême d'occuper le banc du Barça: une inquiétude croissante."
. Un vestiaire poudrière
Homme de caractère et de principes, Luis Enrique n'est pas réputé pour sa diplomatie. Et cette gestion rigide lui a valu une tension permanente dans un vestiaire constellé de stars.
En janvier 2015, son choix de laisser le quintuple Ballon d'Or argentin Lionel Messi sur le banc avait ainsi provoqué une violente crise, manquant de lui coûter son poste.
Au bout de trois saisons, peut-être que le discours de l'entraîneur ne passait plus aussi bien. Le milieu Sergio Busquets n'avait-il pas critiqué les choix de Luis Enrique après la défaite à Paris ?
"Avoir les meilleurs joueurs du monde sous ses ordres est le rêve de tout entraîneur. Mais il faut savoir gérer le vestiaire", relève Alfonso Pérez. "Le vestiaire du Real Madrid ou du Barça est évidemment plus complexe que tout autre."
. Une presse lessiveuse
Ephémère entraîneur du Barça (2013-2014), l'Argentin Gerardo "Tata" Martino avait résumé la pression qu'il subissait au quotidien par un seul mot: "l'environnement". A savoir la presse, les commentateurs, les supporters.
Car le Barça n'est pas qu'un club omnisports, c'est une institution catalane, européenne et planétaire. Le deuxième club de football ayant le plus de revenus au monde (620,2 M EUR en 2015-2016) selon le cabinet Deloitte, et un monstre médiatique où la pression est colossale.
Du coup, chaque conférence de presse d'avant ou d'après-match est un traquenard.
Souvent ironique et cassant face aux journalistes, Luis Enrique s'est progressivement lassé de répondre aux sempiternelles polémiques, qualifiant tout cela de "cirque".
"Même ivre, je ne voudrais pas m'approcher à moins de dix mètres d'un téléviseur ou d'une radio", déclarait-il, grinçant, le 18 février.
En mettant fin au suspense autour de son avenir, Luis Enrique devrait au moins obtenir un peu de calme pour ses trois derniers mois en poste. Avec l'envie de gagner d'ultimes trophées, histoire de donner tort à la presse une dernière fois.