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Plus que la finale de la Coupe des favelas, c'est le rêve de devenir pro qui se joue là pour les deux N.10, Felipe et Gabriel, sur ce terrain bosselé à l'herbe jaunie d'un quartier déshérité de Rio de Janeiro.
Pour cette troisième édition de la "Taça das favelas", 64 équipes masculines sont en lice, des joueurs âgés entre 15 et 17 ans, et 16 formations féminines avec des joueuses à l'amplitude d'âge plus large.
Ce samedi à 8 heures du matin, dans le petit stade de Madureira et sous un ciel couvert, le public est clairsemé pour la finale des filles remportée par Cidade de Deus (CDD) aux tirs au but face à Cabral.
Deux heures plus tard, pour celles des garçons, les tribunes sont finalement remplies de 2.000 personnes venues par cars entiers. L'ambiance toujours bon enfant devient plus agitée, au rythme des percussions, des cris, des encouragements.
C'est un jeu sérieux: SporTV diffuse en direct le match, présenté en grande pompe par l'empire médiatique Globo, précédé de l'hymne national et d'une minute de silence en l'honneur des victimes dans les favelas.
Un jeu sérieux surtout car le rêve d'un avenir extirpant la famille des bidonvilles, via le football professionnel, traverse de nombreux esprits dans les travées.
"Que mon fils devienne pro, c'est mon rêve, je n'en dors plus la nuit!", confie à l'AFP Eliane Silva, femme de ménage dans un hôtel. "La vie dans la communauté est difficile. Ça va un peu mieux avec les UPP (unités de police de pacification, ndlr), mais ça reste difficile. On aimerait sortir de la favela. Il ne s'agit pas de la renier, mais d'avoir une vie meilleure", explique cette mère qui élève seule ses deux enfants, dont Felipe Carlos, N.10 de CDD.
- Essais en clubs pro -
Crispée, elle assiste au match de son meneur de jeu préféré, qui fait une finale honorable mais rate un penalty qui aurait permis à son équipe de mener 3-1. Elle s'inclinera finalement 3-2 devant Vila Kennedy.
Il devait faire quelques jours après un test à Botafogo, l'un des grands clubs de Rio. C'est l'AFP qui le lui apprend au moment de recevoir sa médaille d'argent: son entraîneur ne voulait pas lui en parler avant la finale afin qu'il reste concentré.
Quelques joueurs remarqués lors des précédentes éditions de la Coupe "sont à l'essai à Botafogo et Fluminense", souligne Oldair Boca, un des organisateurs du tournoi, même si aucun n'a pour l'heure percé en première division.
Mais "beaucoup d'excellents joueurs ne deviennent pas professionnels", prévient Hud Weidnan, 30 ans, l'entraîneur des garçons de CDD, qui insiste sur les études et le rôle social de ces petits clubs qui parfois nourrissent les joueurs.
"Il y a le trafic, les guerres de factions: le foot permet de s'écarter de tout ça", souligne Gabriela da Silva avant le match, vêtue d'un T-shirt proclamant: "Fière de mon fils".
Fière, elle peut l'être d'autant plus à l'issue de la finale que son Gabriel est élu meilleur joueur de la compétition. L'adolescent arbore un large sourire, des étoiles dans les yeux. Il ne sait plus où donner de la tête entre les félicitations et les sollicitations médiatiques.
Le milieu gauche est déjà chaperonné par un agent, qui travaille pour Globo et annonce à la ronde que Gabriel doit participer à une sélection organisée par un équipementier célèbre avec 22 autres joueurs. Les deux ou trois meilleurs auront droit à un stage de trois mois à partir de fin mars en Angleterre.
L'agent mentionne même des touches de Botafogo et Fluminense encore, mais aussi de l'Inter Milan. Là encore, des rêves?