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La suspension des athlètes russes de toutes compétitions, y compris olympiques, provoquerait un gros vide aux Jeux de Rio, à l'été 2016. Mais le séisme serait vraisemblablement plus politique que sportif.
La déflagration serait certes d'une grande ampleur pour le monde de la piste. Mais celle-ci n'atteindrait pas les dimensions du sombre épisode de Los Angeles, en 1984, dernière édition olympique marquée par un boycott, celui de tout le bloc de l'Est, estiment des athlètes et responsables interrogés par l'AFP.
Après les révélations accablantes du rapport de l'Agence mondiale antidopage (AMA) sur le dopage institutionnalisé dans l'athlétisme russe, une telle sanction pourrait être prononcée avant la fin du mois, la fédération internationale (IAAF) se réunissant les 26 et 27 novembre à Monaco.
Plus qu'envisageable à la lecture des conclusions et recommandations du rapport, l'exclusion pure et simple de la Russie provoquerait un sérieux déséquilibre.
Les JO de Londres-2012 ont en effet médaillé 17 athlètes russes (8 en or). Et ils étaient 18 à Pékin, quatre ans plus tôt. La commission d'enquête de l'AMA a d'ailleurs jugé les Jeux de Londres "sabotés" par le dopage russe, couvert par la corruption de certains membres de l'IAAF.
Le CIO a déclaré vouloir "étudier avec soin" ces accusations pour éventuellement retirer les médailles acquises par des athlètes impliqués. Mais en ce qui concerne 2016, l'institution olympique a laissé, comme c'est la règle, la main à l'IAAF dont elle ne doute pas que le "président, Sebastian Coe, saura prendre toutes les mesures qui s'imposent".
- La densité de l'athlétisme moderne -
L'absence des Russes ne devrait toutefois pas dévaloriser les titres carioca autant qu'en 1984. Comme d'autres sportifs, Pierre Quinon, champion olympique à la perche, avait ainsi vu son titre de Los Angeles mésestimé en raison de l'absence du maître de la discipline, Serguei Bubka.
"Il y a aujourd'hui une densité, une universalité de l'athlétisme qui existait moins à l'époque, une meilleure répartition des médailles", assure ainsi Ghani Yalouz, DTN de l'équipe de France d'athlétisme, pour qui cette suspension devrait être un "séisme politique mais pas sportif".
"Ca ne changera rien pour nous, poursuit l'ancien champion de lutte. On est tellement habitués à avoir des blessés! On n'attend pas que les autres abandonnent pour gagner."
Cette disparition de toute une nation va tout de même créer des opportunités pour la concurrence internationale. Essentiellement chez les dames, d'ailleurs, car chez les 17 médaillés russes de Londres, 15 étaient des femmes, surtout en demi-fond, fond, dans les sauts et les lancers.
Des opportunités dont pourraient essentiellement profiter des athlètes d'autres nations de l'ex-bloc de l'Est.
"Ce n'est pas une absence qui va dévaluer les médailles, c'est d'abord un formidable bol d'oxygène pour tous les gens propres qui se battent derrière", s'insurge le président de la fédération française et membre du Conseil de l'IAAF, Bernard Amsalem.
"Même si c'est une grande nation d'athlétisme, le contexte n'est pas du tout le même qu'en 1984", poursuit celui que Sebastian Coe a chargé de toutes les questions éthiques au sein de la fédération internationale.
A l'époque, le boycott du bloc de l'Est, déploré par tous, répondait uniquement à des raisons de politique internationale dont les sportifs étaient les otages. "Aujourd'hui, il y a une AMA, un code mondial qui n'existaient pas à l'époque".
L'absence des Russes pourrait-elle être un mal pour un bien ? Leur mise au ban, qui pourrait concerner toute l'année 2016, servirait selon Bernard Amsalem "d'avertissements pour les autres".
Futur Mr Propre de l'IAAF, il déplore "l'impression de revenir aux temps de la RDA, du dopage d'Etat, alors que les témoignages sur ces faits auraient dû servir d'exemple à tout le monde." Tout en soulignant que ces révélations montrent que le monde du sport ne s'en lave pas les mains.