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Il a dompté les sommets les plus vertigineux de la planète, seul et sans équipement, établissant une série de records parfois controversés: l'alpiniste suisse Ueli Steck assure pourtant n'avoir pour seul objectif que de vivre loin des projecteurs une passion qui l'amène à "repousser [ses] limites".
"Je ne cherche pas à ce que l'on parle de mes records. C'est mon plaisir personnel seul qui dicte ma démarche", a expliqué à l'AFP le prodige helvète de 39 ans, rencontré cette semaine dans les Hautes-Alpes au lendemain d'un nouveau fait d'armes.
Surnommé la "machine suisse" en raison du rythme élevé qu'il s'impose lors de ses chevauchées, l'alpiniste a bouclé mardi, après 61 jours d'efforts ininterrompus, l'ascension consécutive des 82 sommets alpins de plus de 4.000 mètres.
"Ueli a besoin de vivre les choses physiquement, de ressentir la douleur de son corps à travers le sport pour se sentir vivant", explique Daniel Mader, un ami de longue date.
Ce dernier a assuré la logistique du champion au cours des 1.700 kilomètres et 117.000 mètres de dénivelé avalés, à pied et à vélo, durant deux mois à travers la France, la Suisse et l'Italie pour relier tous ces sommets.
"J'aime quand, le soir, mes muscles sont durs et quand la fatigue me gagne. J'ai besoin de ça", confirme le champion.
Ueli Steck , dont la "grimpe" repose sur un mélange de "préparation, d'instinct et d'émotion", a plusieurs fois frôlé la mort, comme lors de son ascension en 28 heures de la face sud de l'Annapurna, en 2013.
"J'étais frigorifié, exténué. (...) Avec le recul, c'était prendre trop de risques pour escalader une montagne", concède-t-il.
- Pas un business -
Ueli Steck est né le 4 octobre 1976 à Langnau im Emmental, à l'est de Berne, dans une famille très sportive. À 12 ans, il rejoint le Club alpin suisse et développe une fascination pour le "contact avec la nature et les falaises".
Tout juste majeur, le Suisse pose les jalons de ses futurs records en réalisant l'ascension de la face nord de l'Eiger (3.970 mètres).
"À partir de là, j'ai commencé à systématiquement pratiquer l'alpinisme lors de mon temps libre. Je n'ai en revanche jamais pensé devenir professionnel un jour", souligne ce charpentier de formation, marié et sans enfant.
Très vite, ses performances ne passent pas inaperçues. Avec l'arrivée des premiers sponsors, Ueli Steck , alors trentenaire, décide de vivre à plein temps de la discipline.
"Depuis, je m'entraîne sans cesse". Avec l'aide d'un physiothérapeute, qui planifie ses entraînements, "longs mais peu intenses". Au menu: course à pied, cyclisme, musculation en hiver, mais peu de technique car "l'important, c'est d'avoir un bon niveau d'endurance".
S'il reste discret sur ses émoluments, Ueli Steck affirme que la soif d'argent et de gloire n'a jamais compté. Il se dit satisfait lorsque ses revenus dépassent son ancien salaire de charpentier.
Aujourd'hui, il bénéficie d'une quinzaine de sponsors qui lui laissent la liberté de tracer sa route comme il l'entend.
Il tient également à se tenir à distance des médias durant ses ascensions pour pouvoir prendre la "décision la plus juste sur une paroi". "Je ne fais pas un business. Sinon, cela devient trop dangereux."
- Savoir dire stop -
Lui qui a toujours voulu repousser ses propres limites reconnait qu'à "bientôt 40 ans, il est physiquement sur le déclin". "Pour l'instant, j'ai encore la passion, mais je n'ai plus vingt ans", même si ses capacités physiques et de récupération restent au-dessus de la moyenne.
"Je pense qu'il est important d'avancer dans la vie et de savoir dire stop, pour voir autre chose", insiste-t-il.
Ses détracteurs pointent l'absence de preuves GPS ou photographiques pour authentifier certains de ses exploits.
"Il y a beaucoup de jalousie et il me faut l'accepter. C'est le revers de la médaille. Ces critiques me touchent, évidemment, mais je ne perds jamais de vue l'essentiel: je fais tout cela pour moi avant tout", répète-t-il.
Cet automne, il projette de se rendre au Népal pour faire l'ascension du Nuptse, situé à 7.800 mètres d'altitude, au sud-ouest de l'Everest.
"J'ai encore beaucoup de choses dans la tête, mais je ne me mets pas la pression. C'est bien d'avoir des rêves, mais aussi d'accepter de ne jamais les réaliser", conclut-il.