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Alfred Wills, Leslie Stephen, Edward Whymper... Il y a 150 ans, une poignée de Britanniques fortunés, accompagnés de guides locaux, conquéraient la plupart des sommets des Alpes. Et posaient les fondements d'une nouvelle discipline: l'alpinisme sportif.
"Tout a basculé en deux jours", les 14 et 15 juillet 1865, raconte Claude Marin, guide et chargé de l'organisation des festivités de "Chamonix 1865".
Le 14 juillet, l'explorateur Edward Whymper conquiert le Cervin (ou Matterhorn), un sommet de 4.478 mètres à la frontière italo-suisse, réputé extrêmement difficile et convoité par de nombreux alpinistes. A la descente, trois alpinistes anglais et le guide chamoniard Michel Croz dévissent et se tuent.
L'accident crée la polémique au Royaume-Uni, où l'on envisage d'interdire la pratique. C'est la fin d'une période de conquête insouciante et la naissance du mythe de "l'Alpe homicide".
Le lendemain, une autre cordée britannique conquiert le Mont-Blanc (4.810 mètres) par l'éperon de la Brenva, un itinéraire engagé sur le versant italien. C'est la première fois que l'objectif n'est plus le sommet (déjà conquis en 1786) mais la voie empruntée.
-- 81 'premières' en 1865 --
"C'est le début de l'alpinisme sportif, dont on est encore les héritiers aujourd'hui", souligne Claude Marin, qui a recensé pas moins de 81 premières ascensions dans les Alpes et les Pyrénées pour la seule année 1865.
La décennie 1854-1865 marque ainsi un changement d'esprit: "La science n'est plus la seule justification avouée" des ascensions, qui deviennent un "jeu concerté dans les clubs", écrit Gilles Modica dans "1865, L'âge d'or de l'alpinisme" (éditions Guérin).
Premier club alpin au monde, l'Alpine Club de Londres participe à l'essor de la pratique en encourageant ses membres à immortaliser les paysages alpins à travers des récits, photographies ou peintures. "Le terrain de jeu de l'Europe" (1871) de Leslie Stephen (père de Virginia Woolf) et "Escalades dans les Alpes" (1873) de Whymper deviendront des classiques du genre.
Quant aux lithographies, aquarelles et autres peintures à l'huile de l'Alpine Club, elles seront exposées, pour la première fois sur le continent, à Chamonix de juin 2015 à avril 2016.
La station alpine, souvent présentée comme la capitale mondiale de l'alpinisme, a prévu un large programme d'expositions et de conférences (dont plusieurs en anglais) pour célébrer l?événement (http://1865.chamonix.fr/).
Les temps forts de l'été auront lieu les 11 et 12 juillet lors de la coupe du monde d'escalade et le 15 août pour la fête des guides. Ces derniers se sont joints aux festivités en reconstituant la première ascension de l'Aiguille verte (4.122 mètres) en tenue d'époque.
-- Le Cervin commémore ses morts --
Pour le 150e anniversaire de l'ascension du Cervin, la station de Zermatt en Suisse propose elle aussi pièces de théâtre en plein air, inauguration d'un nouveau refuge ou gala. L'ascension de la montagne sera en outre interdite le 14 juillet sur ses versants suisse et italien en hommage aux quelque 500 alpinistes qui y ont trouvé la mort depuis 1865.
Cent cinquante ans après, les alpinistes, équipés de crampons et de broches à glace, ne creusent plus de marches dans la neige pour atteindre les sommets. Ils ne dorment plus dans des peaux de mouton retournées en guise de sacs de couchage. Les itinéraires sont connus, les secours à portée de téléphone portable. Et les grands sommets conquis, dans les Alpes comme ailleurs.
Que reste-t-il donc aujourd'hui de cette période faste ?
Elle "a ouvert une démocratisation de l'alpinisme, notamment avec la cartographie", juge David Ravanel, président de la compagnie des guides de Chamonix, et "les valeurs d'engagement portées par les pionniers perdurent toujours".
Surtout, "il y a encore plein de choses à faire", ajoute-t-il, en citant des "vallées au Pakistan, des endroits en Antarctique" ou "la recrudescence de l'escalade urbaine".