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C'est le paradoxe du volley-ball cubain: une myriade de stars expérimentées évoluant dans les championnats prestigieux et des équipes nationales plongées dans un déclin inexorable.
Cette déchéance, entrevue dès la non-qualification historique des deux sélections cubaines pour les JO-2012, est de l'avis général largement imputable à la politique inflexible de la Fédération vis-à-vis de ses "déserteurs", systématiquement privés de sélection dès le rubicon frontalier franchi.
Depuis son dernier cooup d'éclat, une finale du Championnat du Monde en 2010, la sélection masculine s'est écroulée, avec des échecs retentissants lors des deux dernières Ligues mondiales, compétition qu'elle avait pourtant remportée en 1998 et dont elle avait atteint la finale en 1991, 1992, 1994, 1997 et 1999.
Aux derniers Championnats du monde en Pologne, les Cubains n'ont pu faire mieux qu'une modeste 12e place, indigne de leur gloire passée (finales en 1990 et 2010).
Chez les femmes, le constat est encore plus accablant. Triple championne olympique (1992, 1996, 2000) et mondiale (1978, 1994, 1998), la sélection cubaine vient de cumuler cinq défaites consécutives au dernier Mondial, avec au passage des humiliations subies contre des équipes qu'elle était auparavant habituée à piétiner, comme Porto Rico ou l'Azerbaïdjan. Privé de seconde phase, le volley-ball féminin a ainsi enregistré en Italie sa pire performance depuis 1970.
Pour les experts, ces piètres résultats ont une cause principale: l'hémorragie permanente des talents de l'île communiste. Fléau qui conduit la Fédération à aligner des équipes inexpérimentées et invariablement rajeunies à chaque compétition.
- Fuites inexorables -
Depuis 13 ans, plus d'une cinquantaine de joueurs et joueuses ont fui leur pays, attirés par les contrats mirobolants proposés par les clubs italiens, turcs ou russes.
Parmi ces pépites ayant cédé aux sirènes de l'ouest figurent notamment Osmany Juantorena (vainqueur de la Ligue des champions en 2010 et 2011 avec le club italien de Trente), Robertlandy Simon (Plaisance, Italie), Wilfredo Leon (VK Zenit Kazan, Russie) ou Raidel Hierrezuelo (Halkank Ankara, Turquie).
Côté féminin, Rosir Calderon, Nancy Carrillo et Yanelis Santos font respectivement le bonheur des clubs russes de Dinamo Krasnodar, Omichka Omsk et Saint-Pétersbourg.
Face à ces exils illégaux, facilités depuis janvier par une loi migratoire moins contraignante pour les Cubains désirant voyager à l'étranger, les autorités demeurent intraitables. Comme dans les autres sports, les "déserteurs" de l'île communiste sont indésirables en équipe nationale.
Pour l'instant, les appels répétés des spécialistes et des joueurs expatriés eux-mêmes à modifier cette politique jugée archaïque et contre-productive restent sans effet et les sélections cubaines perdent du terrain sur l'échiquier mondial. Un comble dans un pays où le volley-ball est un des sports les plus populaires avec le baseball et la boxe.
"Pourquoi les joueurs professionnels cubains ne peuvent pas défendre les couleurs de leur pays ?" Pourquoi se priver "de nombreux joueurs au niveau international reconnu ?", interrogeait récemment le spécialiste cubain Nelson Paez dans un blog local.
Les autorités sportives cubaines doivent en finir "une fois pour toutes avec le secret" autour de ce sujet et "expliquer pourquoi la sélection nationale ne convoque pas, comme dans les autres pays", ses joueurs les plus talentueux, a-t-il exhorté.
- De bien maigres concessions -
Ces dernières semaines, la Fédération a gardé le silence et son président Ariel Sainz n'a pas donné suite aux multiples demandes d'entretien de l'AFP.
En 2013, M. Sainz avait pourtant révélé la création d'une commission chargée de se pencher sur "le rattrapage de l'espace perdu" par le volley-ball "au niveau international".
Dans la foulée, l'Institut cubain des sports (équivalent du ministère) annonçait sa disposition à engager des discussions avec les volleyeurs exilés pour évoquer leur retour dans le giron de la sélection, mais rien n'est venu confirmer cet espoir d'ouverture depuis.
"Si une décision n'est pas prise rapidement (..) nous allons nous noyer", prédisait récemment de son exil turc Raidel Hierrezuelo, vice-champion du monde en 2010.
Pour tenter de juguler la fuite des talents sportifs de haut niveau, le président Raul Castro a annoncé il y a trois ans une augmentation des salaires et des primes des athlètes locaux. Mais ces sommes, qui atteignent au maximum quelques centaines de dollars (une manne dans un pays où le salaire moyen est de 20 dollars), restent bien dérisoires face aux salaires versés à l'étranger.
Depuis quelques mois, les autorités ont autorisé pour la première fois une poignée de joueurs de baseball à s'engager dans des clubs étrangers, notamment au Mexique et au Japon. Mais l'expérience est menée au compte-goutte et n'augure pas vraiment du virage radical attendu d'une politique préservée depuis au moins quatre décennies.