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Taekwondo
 

Taekwondo: les mauvaises manières françaises - Le 18/05/2016 à 17:37

Fausses notes de frais, aides au logement indues, faux contrat de travail... Ces dernières années, la Fédération française de taekwondo (FFTDA) est accusée d'avoir multiplié les dérapages, voire les illégalités. L'AFP s'est procuré les documents sur lesquels la justice et le ministère des Sports enquêtent depuis près de dix mois.

Une plainte contre X a été déposée auprès du procureur de Lyon pour diverses malversations, le 4 août 2015, par treize membres de la Fédération. La PJ de Lyon est depuis chargée de l'affaire.

Deux semaines plus tôt, deux hauts fonctionnaires de l'inspection générale du ministère des Sports avaient été missionnés pour enquêter sur les dysfonctionnements de la Fédération. Mardi, le ministère a confirmé à l'AFP l'imminence d'une saisine du parquet en conclusion de leur travail.

Ce sont en tout cas ces supposées malversations à la FFTDA (taekwondo et disciplines associées) qui auraient conduit à la démission, le 4 juillet 2015, du président en poste depuis 2006 Roger Piarulli, resté toutefois membre du comité directeur, et du directeur technique national (DTN) historique Philippe Bouedo.

Ces faits supposés ont été consignés le 17 juillet dans le rapport d'une commission de transparence composée de sept membres du comité directeur, rédigé par l'un d'eux, fonctionnaire du ministère des Finances. Rapport par la suite invalidé pour vice de forme par la nouvelle équipe dirigeante mise en place par intérim en septembre.

Les documents obtenus par l'AFP font supposer le versement de salaires déguisés, sous plusieurs formes, notamment des aides au logement, à plusieurs cadres techniques de la Fédération. Le cas qui semble le plus flagrant concerne l'entraîneur national Myriam Baverel , la directrice du haut niveau, toujours en poste. Elle aurait perçu dès son embauche en 2009 une aide au logement de 800 euros, aide qui aurait ensuite été revalorisée à 1.669 euros pour un loyer de 1.400 euros. Le tout apparemment sans validation du comité directeur et sur simple demande de M. Bouedo.

- Faux contrat de travail -

Ce dernier aurait également demandé le versement de 53.000 euros sur quatre ans à plusieurs ligues et clubs, a priori toujours sans en informer le comité directeur.

Par ailleurs, des notes de frais kilométriques fictifs auraient permis à plusieurs entraîneurs nationaux de gonfler leurs revenus de plus de 500 euros par mois.

Censés rembourser les trajets des entraîneurs entre leur domicile et l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), ces frais auraient été versés à des techniciens habitant seulement à quelques centaines de mètres du centre d'entraînement national du Bois de Vincennes.

Autant de versements qui seraient en fait des salaires déguisés destinés à échapper au fisc et à l'Urssaf.

Par ailleurs, de faux contrats de travail et bulletins de salaire auraient été établis pour aider un ancien athlète de premier plan à obtenir un prêt bancaire. Une infraction passible de trois ans de prison si elle était avérée.

Enfin, le DTN Philippe Bouedo aurait fait exploser les compteurs en présentant, en 2011, une note de téléphone portable de 27.651,81 euros pour l'année.

Poussé à la démission, a priori après la dénonciation de ces faits par certains membres du comité directeur, le président Roger Piarulli avait semble-t-il lui-même profité du système. Deux billets d'avion, un Paris-Nice et un Paris-Las Vegas, auraient ainsi été achetés par la Fédération pour son épouse. M. Piarulli a remboursé le tout lors de sa démission.

Mais sa rémunération pose également question. Employé d'une grande banque française, avec un salaire de 4.750 euros net par mois, M. Piarulli se serait fait verser par la FTDA, avant 2014, un salaire mensuel de 1.072 euros, complété d'un versement de 2.000 euros par mois sur une assurance-vie. Contraint par son employeur principal à un temps partiel en 2014, le président aurait alors fait revaloriser son salaire FFTDA à 3.250 euros mensuels.

Le salariat de président, en vigueur dans une dizaine de fédérations sportives en France, n'est en soi pas discutable. En revanche, la FFTDA semble être la seule fédération en France à faire payer certains de ses champions pour partir en déplacement.

- 'Anomalies' -

Fouzia Mouissat, comptable licenciée par la Fédération en septembre 2015, a ainsi assuré à l'AFP que des sportifs se voyaient parfois demander 2.000 euros pour participation aux frais lors de compétitions lointaines.

"Lorsque, en faisant les comptes, je constatais que l'on n'avait dépensé que 1.500 euros pour un athlète ayant payé 2.000, je demandais au président si la Fédération devait rembourser. La réponse était: +Ils ont payé, ils ont payé+", raconte-elle.

Contactées à plusieurs reprises par l'AFP, les trois personnes mises en cause n'ont pas réagi.

Ces dérives financières supposées de la FFTDA ont en tout cas poussé l'ancien DTN adjoint Daniel Emelin à s'associer à la plainte collective déposée en août.

La FFTDA gère plus de 50.000 licenciés et dispose d'un budget d'environ 4 millions d'euros. Plus d'un million provient de subventions du ministère des Sports et le reste des licences acquittées par les pratiquants et les clubs.

"J'ai été alerté par des anomalies. J'ai vérifié et prévenu la direction des sports. Je suis soucieux de la bonne utilisation des fonds publics. Il y a des familles qui galèrent pour payer les licences des gamins. Je n'ai fait que mon devoir", a déclaré à l'AFP M. Emelin, devenu depuis DTN adjoint de la Fédération française de boxe. "C'était difficile de rester à la Fédération, dans la mesure où les personnes en place n'ont pas changé."

De fait, M. Piarulli est toujours dans l'organigramme de la FFTDA, tout en étant directeur général de la Fédération internationale. Et M. Bouedo reste présent sur la scène mondiale. Avec M. Piarulli, ils seront notamment responsables du tournoi olympique de Rio.

Denis Odjo, président par intérim à partir de juillet 2015 puis élu en pleine responsabilité en janvier 2016, a pour sa part affirmé à l'AFP n'être au courant d'aucune procédure, judiciaire ou administrative. Il a pourtant reconnu et justifié certains des faits en question dans un enregistrement de l'émission Complément d'enquête, qui sera diffusé par France Télévisions jeudi.

Résultats et Champions

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