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© AFP/Fethi Belaid
Le nageur tunisien Oussama Mellouli
lors d'un entraînement le 22 mars 2013 à La Marsa
Tunisien le plus titré de l'histoire des jeux Olympiques, le nageur Oussama Mellouli revient dans un entretien à l'AFP, sur sa carrière, au cours de laquelle il a connu le dégoût, la frustration et la peur sous le régime Ben Ali avant de vivre la liberté et ses limites.
Mellouli, 29 ans, a ouvert une page historique l'été dernier lors des JO de Londres en devenant le premier nageur à être titré sur une épreuve en bassin (1500 m en 2008) et en eau libre (10 km en 2012).
Cet or de 2012 a été celui de "la rédemption", comme il le raconte lui-même, enroulé dans son peignoir bleu, au bord du bassin où il a appris à nager puis quitté à 15 ans pour partir en France, à Font Romeu, avant de rejoindre Los Angeles en 2002.
"Quitter la maison à 15 ans a été très dur. Je me levais avant tout le monde à l'internat non pas pour aller au réfectoire mais à la cabine téléphonique parce que je pleurais chaque matin... Le soir c'était pareil", explique ce "panaché tuniso-américain avec quelques touches françaises".
Revenir chez lui pendant 2 mois ce qu'il n'avait pas fait depuis 10 ans, est donc un vrai bonheur. D'autant que désormais, il foule un pays libéré depuis 2 ans du régime dictatorial de Ben Ali.
"On vit dans une Tunisie nouvelle. Je nage maintenant pour un pays libre. Avant on m'avait volé cette fierté-là, celle de parler de mon pays. J'étais limité dans mon expression, tout était scripté. Il y avait de la peur."
"Ils m'ont volé une part de mon mérite. C'était mon bébé et je devais choisir avec qui le partager. J'avais peur pour ma famille, restée ici. Ca m'a dégoûté", dit-il.
Interrompu régulièrement par les nombreuses demandes de pose photos, le nageur poursuit son récit.
© AFP/Fethi Belaid
Le champion olympique de natation Oussama Mellouli
lors d'un entraînement le 22 mars 2013 à La Marsa
"On a politisé ma carrière sans que je ne le choisisse. Heureusement que cette révolution m'a offert cette liberté-là. L'hymne tunisien a pris un vrai sens. Moi aussi je suis fier de cette révolution même s'il y a des choses qui apparaissent aujourd'hui dont je suis moins fier."
Le sportif parle sans rancoeur de l'attitude des médias qui lui ont reproché sa proximité avec Ben Ali, jusqu'à l'or des JO-2012.
"Je ne vais pas faire de commentaires mais qu'ils fassent correctement des recherches avant d'écrire ! Sans les médias, on ne réussira pas à créer une démocratie. Mais il faut des médias neutres avec des journalistes neutres."
"J'ai beaucoup appris par rapport à ça. Et ce n'est pas que dans le sport. On est libre mais les médias ont mal interprété cette liberté-là. Il y a beaucoup de débordements. J'espère qu'on va trouver les moyens de se mettre certaines limites et créer un débat neutre et constructif", souligne-t-il.
Désormais, le pouvoir est entre les mains de l'islamiste Ali Larayedh.
"J'ai peur pour ma soeur, pour ma mère. Mais on reste optimiste parce que la Tunisie, c'est un islam modéré, un islam laïc, un islam du 21e siècle. On est des musulmans de paix, souriants et accueillants".
"On a souffert, il y a eu beaucoup de promesses et on n'a rien vu. Il faut que ça bouge. Certaines personnes profitent juste de leur postes. C'est frustrant, on veut un changement et aujourd'hui plutôt que demain".
"On ne parle pas des vrais problèmes pour faire une Tunisie forte qui sera celle de mes enfants et de mes petits-enfants" conclut-il.