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© AFP/Arif Ali
Des lutteurs pakistanais posent avec le portrait de Jhara, célèbre lutteur de la dynastie des Bholu, le 9 janvier 2013 à Lahore
Pendant des décennies, le cercle de terre proche de Lahore (est) a aiguisé le talent de la plus célèbre dynastie de lutteurs du Pakistan. Aujourd'hui, c'est un cimetière abritant leurs dépouilles, témoin du déclin d'un sport séculaire autrefois symbole de la nation musulmane.
Les frères Bholu y sont enterrés sous un mausolée de marbre et un arbre banyan vieux de plusieurs siècles dans une propriété comme figée dans le temps entre un vieux terrain de lutte boueux, une salle de gym abandonnée et un jardin délabré.
La négligence du gouvernement et la pauvreté ont fait oublier les exploits de lutteurs pakistanais, autrefois portés par des milliers de spectateurs.
Ils avaient connu la gloire avec, de 1954 à 1970, 18 médailles d'or aux Jeux du Commonwealth, cinq aux Jeux asiatiques et une de bronze aux Jeux Olympiques.
Depuis, à part une médaille d'or aux Jeux asiatiques en 1986 et deux aux Jeux du Commonwealth de 2010, on n'a guère plus vu de victoires internationales.
"Je ne peux pas parler de lutte, ça me fait mal. Nous avons perdu toute la gloire et c'est douloureux de se rappeler les beaux jours", explique Abid Aslam, dont le frère, Jhara, fut le dernier des Bholu, lutteurs depuis 1850, titré.
Cette génération dorée de frères (Bholu -- qui a donné son nom à la dynastie --, Azam, Aslam, Akram et Goga) qui s'entraînait à Lahore accumula les exploits sur le circuit international des exhibitions.
En mai 1967 au stade de Wembley à Londres, Bholu devient champion du monde des poids lourds face au tenant du titre franco-anglais Henry Perry.
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Des lutteurs s'entrainent le 9 janvier 2013 à Lahore
Aslam et Azam combattront eux aussi à travers le monde et vaincront d'autres champions, du Canada au Liban en passant par l'Australie, les Etats-Unis...
Jhara, décédé en 1991 à 31 ans, fut le dernier grand nom de la famille.
Son frère Abid s'est gardé de suivre ses traces, devenant homme d'affaires entre construction, immobilier et import-export.
"Quand vous êtes numéro un et que personne ne vous respecte, que le gouvernement ne se soucie pas que vous et que votre famille n'a pas les moyens suffisants, mieux vaut faire des affaires et gagner de l'argent", dit-il.
Pendant des siècles, les lutteurs firent la gloire des États indiens, chouchoutés par les souverains. Mais après la partition de l'empire des Indes en 1947, le nouvel Etat du Pakistan les peu à peu a ignorés.
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Des lutteurs s'entrainent le 9 janvier 2013 à Lahore
Ceux qui sont restés dans le sport disent que sur les 300 terrains de lutte recensés en 1947, à peine 30 fonctionnent encore, et que le nombre de lutteurs a lui chuté d'environ 7.000 à 300.
La plupart des terrains de lutte, principalement dans les provinces du Pendjab (centre) et du Sind (sud), sont déserts et peu de jeunes sont tentés de se huiler le corps et de consumer leur énergie à se battre dans la boue toute la journée.
Shehwar Tahir, 19 ans, est l'un de ces pionniers.
"Les jeunes ne veulent pas devenir lutteurs. Ils disent: +Pourquoi jouer à ce jeu quand il n'y a pas d'avenir, pas d'argent?+", explique-t-il.
Tahir se réveille à 4 heures du matin, fait des pompes, dit la prière du matin et retourne se coucher. Il se réveille dans l'après-midi et s'entraîne, après avoir aplani lui même le terrain de 30 mètres carrés avec une grande houe.
Pour cela, il dit avoir besoin de manger tous les jours du pain, du poulet, des fruits et deux kilos d'amandes.
Ce régime, beaucoup de gens ne peuvent se le permettre dans un pays où le chômage est énorme et où les attaques des talibans et d'Al-Qaïda ont plombé l'économie depuis dix ans, note Amir Butt, l'entraîneur de Tahir.
"Être lutteur est devenu très cher. Nous ne pouvons par produire des lutteurs de qualité notamment parce que cela coûte au moins 1.500 roupies (11,3 euros) par jour pour la nourriture, et tout le monde ne peut se le permettre" dans un pays où le salaire mensuel est inférieur à 10.000 roupies (76 euros), ajoute-t-il.
Pour l'ancien champion d'Asie Muhammad Azeem, le gouvernement doit subventionner les terrains privés et la nourriture des lutteurs talentueux.
Impossible, répond la fédération pakistanaise de Lutte, faute d'argent et de pouvoir accorder des subventions à des clubs privés.
"Mais aujourd'hui, il y a une prise de conscience du fait que ces clubs devraient être soutenus pour que l'on puisse trouver des athlètes pour les compétitions internationales", note Mohammad Asghar Chaudhary, secrétaire de la fédération de lutte. En ajoutant une lueur d'espoir: "Nous sommes en négociations avec les autorités pour réorganiser un championnat du Pakistan qui rapporterait de l'argent aux bons lutteurs et financerait indirectement les terrains".
Championne olymppique des -57 kg en 2024. Championne du monde de la catégorie en 2021, 2022 et 2023. Médaillée d'or aux Jeux d'Asie et championne d'Asie de la catégorie en 2022 (2eme en 2024). ... |