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© AFP/TORU YAMANAKA
Combat exhibition par des karatékas japonais après une conférence de presse à Tokyo, le 7 août 2015
Alerté par plusieurs signalements sur de présumés abus de pouvoir et malversations à la Fédération de karaté, le ministère des Sports vient de lancer une inspection "extraordinaire" sur cette instance dirigée depuis 2001 par le très contesté Francis Didier , qui fait par ailleurs l'objet de trois plaintes en justice.
Cette enquête administrative, dont l'AFP a appris l'existence auprès du secrétaire d'Etat aux Sports Thierry Braillard, est motivée par "plusieurs signalements crédibles de faits graves", selon ce dernier, contrairement aux inspections de routine diligentées au hasard.
Certains de ces faits présumés ont en outre fait l'objet de trois plaintes à Nanterre pour abus de confiance, déposées par d'anciens dirigeants ou salariés de la Fédération (FFKda) à l'encontre de son président. Cela a entraîné l'ouverture d'une enquête conduite par la Brigade de répression de la délinquance astucieuse.
"J'estime que les attaques dont je fais l'objet en tant que président de la FFKda sont infondées, voire même diffamatoires", a rétorqué M. Didier à l'AFP.
Avec 253.000 licenciés d'un sport bientôt olympique, la FFKda est de l'avis général, y compris de ses anciens dirigeants exclus, une fédération "bien structurée".
Son président, 7e dan, champion d'Europe en 1973, a parfaitement négocié l'achat du siège fédéral, à Montrouge, aux portes de Paris, ses placements bancaires et le développement des pratiques, le karaté bien sûr, mais aussi les très rentables disciplines associées: Wushu, Krav Maga, Yoseikan budo...
- Fisc et Urssaf -
La bonne santé financière de la Fédération repose sur un budget annuel de 9 millions d'euros, dont moins de 10% proviennent de l'Etat et le reste en quasi-totalité des cotisations des licenciés. Mais les pratiques de Francis Didier , 66 ans, ont été pointées par le Fisc et l?Urssaf en 2014 et 2015.
La FFKda a dû payer 190.000 euros à l'Urssaf et 134.000 au fisc pour divers manquements, dont des avantages en nature non déclarés comme tels.
Francis Didier a personnellement fait l'objet d'un redressement de 70.000 euros par le fisc pour ne pas avoir déclaré les avantages en nature dont il a bénéficié pendant plusieurs années. Notamment un appartement parisien de cinq pièces, loué environ 2.500 euros mensuels aux nom et frais de la fédération pour "usage exclusif de son président", selon le bail qu'a consulté l'AFP.
Cet avantage n'a fait l'objet d'aucun vote du comité directeur, ni de l'Assemblée générale fédérale. C'est l'un des objets des trois plaintes à l'étude.
Selon M. Didier interrogé par l'AFP, les pratiques incriminées par l'Urssaf et le fisc ont cessé.
Thierry Cousinié, membre du comité directeur de la FFKda, affirme lui que le président s'affranchit toujours des règlements fiscaux et sociaux sur les frais, notamment en déjeunant et dinant très régulièrement aux frais de la fédération.
Toujours logé dans un appartement de 5 pièces payé par la FFKda, son président affirme, fiche de paye à l'appui, se voir défalquer 700 euros comme avantage en nature sur les 1.700 euros de loyer mensuel.
Il ajoute posséder "une voiture personnelle". Invité à préciser par l?AFP, il précise qu'il s'agit de l'un des trois véhicules de la fédération, qui en acquitte tous les frais.
Par ailleurs, l'homme fort de la FFKda a été plusieurs fois condamné. Notamment en septembre 2010 pour prise illégale d'intérêts pour avoir avantagé la société de crèmes glacées de sa femme avec qui avait contracté la fédération.
Sa fille fut, jusqu'en 2007, salariée de la Ligue du Languedoc-Roussillon et perçut également, pour le même travail, des rémunérations supplémentaires de la fédération qui faisaient parfois grimper ses rétributions à plus de 2500 euros par mois, pour "un emploi jeune". L'AFP a pu consulter des bulletins de salaire mais M. Didier a affirmé que sa fille n'avait "jamais travaillé pour la Ligue".
- "Soumission ou décapitation" -
Ses opposants accusent Francis Didier d'étouffer toute velléité de contestation, que ce soit de la part de rivaux qui auraient pu prétendre à sa succession ou de cadres techniques placés dans sa fédération par le ministère.
En 2013, il a écarté deux responsables, Christian Forestier et Michel Cipriotis, qui avaient contesté le bien-fondé de son logement. En charge depuis dix ans d'un comité de coordination entre les ligues du Lyonnais et du Dauphiné-Savoie, les deux hommes se sont vu reprocher de diriger une "association obscure et sectaire" et ont écopé de six et quatre ans de suspension.
L'AFP a pris connaissance d'échanges de courriers prouvant que le comité de coordination mis en cause était pourtant adoubé par la FFKda depuis des années et reconnu par le ministère des Sports.
Dans une récente lettre au ministère des Sports, M. Cipriotis et un ancien salarié de la Fédération, Gérard Delbart, évoquent "la chasse aux sorcières menée actuellement contre ceux qui osent s'opposer à son diktat" (de M. Didier, ndlr).
Remercié en 2014, le trésorier fédéral Michel Gaubard écrivait la même année une lettre ouverte aux membres de la fédération dans laquelle il dénonçait "un renforcement des pouvoirs du président accompagné d'une rémunération de plus en plus importante. Si nous incluons les avantages en nature: appartement, voiture, repas non fédéraux, invitée permanente, etc. on dépasse largement les 6.000 euros mensuels", accusait-il.
Ces deux anciens responsables dénoncent aujourd'hui la commission de discipline qui les a sanctionnés et dont les membres sont selon eux "choisis par le président".
Les cadres techniques, eux, sont nombreux à avoir quitté la fédération.
"Les budgets dévolus au haut niveau (issus de subventions) sont grevés par les voyages et séjours des élus", estime l'un d'eux, qui tient à garder l'anonymat. Un autre cadre sportif toujours en poste à la FFKda ironise, façon samouraï: "Avec Didier, c'est soumission ou décapitation".
Francis Didier réfute catégoriquement ces critiques, dont il estime qu'elles "relèvent de faits anciens et viennent d'élus battus aux élections" ou "contraints à la démission en raison de graves fautes de gestion".
Il pointe également du doigt certains cadres fédéraux remerciés selon lui en raison d'un rendement insatisfaisant: "Quand on demande un bon complément de salaire, la fédération est en droit d'attendre des résultats".
Le 17 décembre, l'assemblée générale de la FFKda élira son nouveau président. M. Didier sera à priori seul en piste pour un nouveau mandat.
Vice championne du monde des -68 kg en 2023 (3eme des -61 kg en 2012). Championne d'Europe des -68 kg en 2016, 2018 et 2023 (3eme en 2015, 2019 et 2024). Championne d'Europe par équipes en 2018. ... |