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© AFP/JUNG Yeon-Je
Hwangbo Young, ancienne hockeyeuse nord-coréenne, aux commandes d'une équipe de jeune sud-coréennes, le 4 avril 2017 à Séoul
Quand les deux Corées s'affronteront jeudi lors d'un rare match de hockey sur glace, Hwangbo Young, transfuge du Nord devenue une star de la discipline au Sud, soutiendra le pays qui l'a vue naître mais qui la qualifie aujourd'hui de traîtresse.
C'est sur la glace de Gangneung, à 20 km à l'est de Séoul, que les deux sélections se mesureront dans le cadre du groupe A de la Division II du CHAMPIONNAT DU MONDE féminin de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF).
Quel que soit le sport, les matches entre ces deux pays qui sont encore techniquement toujours en guerre sont toujours exceptionnels.
Celui de jeudi est un crêve-coeur pour Hwangbo Young, elle qui, du fait de son passage au Sud, a porté le maillot des deux sélections, et même participé à la première rencontre féminine intercoréenne de hockey sur glace en 2003.
Hwangbo, 37 ans, est aujourd'hui à la retraite. Elle a commencé le hockey il y a un quart de siècle après avoir été recrutée à 12 ans par un des entraîneurs de l'équipe nationale.
Elle a 18 ans quand elle entreprend en 1999 avec ses parents et quatre frères et soeurs, la déchirante traversée clandestine du fleuve Tumen qui marque la frontière avec la Chine, avant de rejoindre la Corée du Sud.
Arrivée au Sud, elle est convaincue que jamais plus elle ne reverra ses anciennes coéquipières nord-coréennes de hockey.
Mais l'impossible se produit en 2003, lors des jeux asiatiques d'hiver d'Aomori, au Japon.
"L'excitation m'empêchait de dormir", se souvient celle qui fut à son arrivée au Sud sélectionnée en équipe nationale.
"C'était bien plus qu'un match. C'était la première fois que j'allais revoir mes amies."
- 'J'ai pleuré' -
Son enthousiasme sera cependant douché dès son arrivée sur la glace japonaise. Pendant toute la partie, les Nord-Coréennes la bloquent violemment plusieurs fois contre la balustrade, en la qualifiant de "traîtresse".
Quand à la fin de cette défaite sans appel (10-0) de son équipe, elle va pour serrer la main de ses anciennes partenaires devenues adversaires, elle récolte de nouvelles bordées d'insultes.
"Je me suis effondré et j'ai pleuré", se souvient-elle. "J'étais convaincue qu'elles seraient heureuses de me voir".
Initialement blessée, elle comprend rapidement que ses anciennes "amies" ne pouvaient manifester publiquement à son égard que de l'hostilité, au risque dans le cas contraire de représailles une fois rentrées au Nord.
La Corée du Nord compte 900 joueuses professionnelles de hockey, soit quatre fois plus que le Sud, selon l'IIHF.
Mais faute de ressources, les entraînements au Nord sont spartiates, se souvient Hwangbo.
"La patinoire n'ouvrait que pour les matches officiels. Pour l'entraînement, nous devions arroser un champ jusqu'à ce qu'il gèle", dit-elle.
Hwangbo Young est créditée d'avoir grandement contribué dans son pays d'adoption au développement du hockey sur glace, en marquant notamment quatre buts lors de la victoire historique (8-2) contre l'Islande en 2005, la première victoire internationale de la Corée du Sud.
Elle était peu après devenue capitaine de la sélection sud-coréenne. Son histoire exceptionnelle a même été portée à l'écran l'an dernier dans "Run-Off 2".
Depuis sa retraite en 2011, elle s'est essayée à l'entraînement, prenant les commandes d'une équipe de jeunes puis d'une équipe de hockey sur luge.
Mais elle dit en souriant qu'elle "ne suit plus les équipes nationales féminines". Sauf, bien sûr, quand il s'agit des Nord-Coréennes. "J'irai à Gangneung le jour du match, sans me faire remarquer", confie-t-elle.
Elle prend le temps de la réflexion et lâche: "Je crois que j'encouragerai les Nord-Coréennes."