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© AFP/Franck Fife
Une policière accompagne le handballeur Nikola Karabatic
(d) lors de son interpellation le 30 septembre 2012 à Paris
De "très fortes suspicions de non-respect de l'éthique sportive", selon le parquet, pèsent sur les handballeurs de Montpellier qui admettent avoir parié contre leur équipe lors d'une défaite en mai mais nient avoir triché, plusieurs d'entre eux restant en garde à vue jusqu'à mardi.
"Il ressort de l'ensemble des investigations des enquêteurs que de très fortes suspicions pèsent sur le non-respect de l'éthique sportive à l'occasion de ce match litigieux", a déclaré lundi le procureur de la République à Montpellier, Brice Robin.
"Des liens très étroits ont été tissés entre les joueurs et leurs parieurs. Pour ceux qui doutaient d'un pacte, il y a matière à se poser des questions très légitimes", a-t-il souligné, évoquant "un match idéal pour parier" puisque Montpellier était assuré d'être champion de France.
Me Eric Dupont-Moretti, l'avocat des frères Karabatic qui n'avaient pas joué le fameux match, comme trois autres joueurs majeurs de Montpellier blessés, a rétorqué qu'ils "ont parié" lors de la rencontre, ce qu'interdit la Ligue de handball, mais "n'ont pas laissé filer le match, n'ont pas triché".
40 fois
© AFP/Pascal Guyot
Le procureur de Montpellier, Brice Robin, lors de sa conférence de presse, le 1er octobre 2012
Les paris incriminés se sont élevés à 87.880 euros et ont rapporté 252.880 euros, a précisé le procureur, en dressant la liste des motifs de suspicion de la Française des Jeux (FDJ). Leur montant a été 40 fois supérieur à l'ordinaire; ils ont porté à 99,94% sur un score défavorable à Montpellier à la pause; ils ont été joués en seulement trois endroits (Montpellier, Rennes, région parisienne) et payés par tranche de 100 euros en liquide pour rester anonymes.
La garde à vue de 18 suspects, dont neuf joueurs, a été prolongée lundi avant que trois handballeurs -Mickaël Robin, Vid Kavticnik et Wissem Hmam - ne soient relâchés vers 20H00 à Nanterre, "pour des raisons techniques" qui ne présagent en rien de la suite, selon une source proche du dossier. Parmi les suspects interpellés dimanche après le match PSG-Montpellier, l'icône du hand français Nikola Karabatic , double champion olympique et double champion du monde, restait donc en garde à vue lundi soir, tandis qu'un autre joueur, Issam Tej , a été placé en garde à vue à Montpellier.
Les présentations devant les deux magistrats instructeurs, auxquels pourrait s'adjoindre un troisième, doivent débuter mardi en fin de matinée, les compagnes des frères Karabatic ouvrant le bal. Pour ceux qui seront déférés, le parquet va requérir un placement sous contrôle judiciaire avec paiement d'une caution égale aux montants touchés.
Selon le procureur, seule la compagne de Luka Karabatic , frère de Nikola -l'animatrice de télé Jeny Priez, interpellée dimanche- a admis "avoir parié" pour son compagnon, à sa demande et "avec l'argent de celui-ci". Les autres suspects ont gardé le silence, réservant leurs déclarations au juge.
"Appât du gain"
" Nikola Karabatic est mis en cause pour avoir retiré 1500 euros et parce que sa compagne a parié pour son compte et retiré des gains", a ajouté le magistrat, évoquant une situation similaire pour son frère.
© AFP/
Délits et peines encourues pour match truqué suite aux interpellations de joueurs de handball français
"C'est une infraction sportive, pas une infraction pénale (...) Pour que la justice puisse intervenir dans cette affaire, on a besoin d'un match truqué, faute de quoi, sur le plan pénal, il n'y a rien", a souligné Me Dupont-Moretti.
L'enjeu n'est pas le même: en cas de simple délit sportif, les joueurs risquent six matches de suspension et 15.000 euros d'amende, le président de Montpellier, Rémy Lévy, ayant menacé de sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement. Mais en cas de match truqué, le délit de "fraude et corruption sportive" -aux dépens de la FDJ en l'espèce- est passible de cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.
Une hypothèse à laquelle le parquet semble croire.
"Quand j'ai eu les éléments du dossier en main, je n'y ai pas cru. J'ai refusé de croire que des joueurs aussi talentueux aient pu se laisser aller à de tels errements", a déclaré le procureur, évoquant "l'appât du gain".
Pour lui, il est légitime de se poser des questions sur le match, observateurs, journalistes et entraîneurs ayant noté une "très mauvaise prestation" des Montpelliérains, avec des tirs immanquables mais ratés en attaque, et de très mauvaises statistiques du gardien héraultais avec seulement "25% d'arrêts contre 35%" à son homologue breton.
Un club trahi
© AFP/Sylvain Thomas
L'entraîneur de l'équipe de handball de Montpellier, Patrice Canayer
, lors d'une conférence de presse, le 1er octobre 2012
Selon le magistrat, au centre de l'affaire se trouve un gros parieur qui a joué 15.400 euros dans son établissement et 10.100 euros dans un autre. "Faut-il être sûr de soi pour jouer une telle somme", a dit M. Robin, constatant que cet homme connaît très bien certains handballeurs, tout comme un élève kinésithérapeute qui lui a joué 7000 euros.
Tandis que le procureur soulignant que les responsables des deux clubs "sont totalement innocents", le président de Montpellier a affirmé que le sien, qui s'est constitué partie civile, était "une victime" dans l'affaire.
"Nous ne répondrons pas aux questions sur l'enquête, nous ne ferons pas de commentaires sur les faits", a insisté M. Lévy lors d'une conférence de presse. L'entraîneur Patrice Canayer a estimé qu'il y aurait "immanquablement, pour ce club, un avant et un après".
"Le club se sent trahi", a-t-il martelé, refusant d'évoquer la situation actuelle ou future de ses joueurs interpellés.
Le président de Cesson, Philippe Barberet, dont le club, alors 8e du Championnat, avait remporté le match 31-28, s'est dit "ébahi" et "atterré". "Je ne pensais pas que des joueurs étaient capables de faire des choses comme ça", a-t-il déclaré à l'AFP.
"Si c'est avéré, Karabatic s'est comporté comme un petit con", a commenté pour sa part l'ex-entraîneur de l'équipe de France, Daniel Costantini , alors que Jérôme Fernandez, capitaine des Bleus, s'il reconnaît "la bêtise de quelques joueurs", a dénoncé un "lynchage médiatique".
Les défenseurs des handballeurs ont eux fustigé lundi une "violation" du secret de l'instruction par le procureur de Montpellier.