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La Française Camille Ayglon
prépare un tir face à la gardienne polonaise Weronika Janiszewska, le 4 décembre 2016 lors du match de l'Euro-2016 à Kristianstad
Les souris d'ordinateur, les ciseaux, le monde en général, dit-on, est fait pour les droitiers, mais il existe une société dans laquelle l'aristocratie est gauchère: le handball.
"C'est clairement une bonne idée d'utiliser sa main gauche dans le handball. Nous sommes une denrée précieuse", dit l'une des ces privilégiées, la médaillée d'argent olympique Camille Ayglon , qui dispute actuellement l'Euro en Suède avec l'équipe de France.
L'explication est toute simple: il y a 10 à 15% de gauchers dans la population; dans une équipe de handball, pour une question d'angle de tir, il en faut au moins 28%, soit deux joueurs sur sept: l'ailier droit et l'arrière droit.
Pour le premier, c'est une obligation. Impossible de tromper le gardien depuis le coin droit avec le bras droit, l'angle étant complètement fermé. Pour le second, c'est fortement recommandé. "Les entraîneurs qui font le choix d'un arrière droit droitier se comptent sur les doigts de la main", dit Ayglon, elle-même arrière, et c'est la plupart du temps un expédient, faute de gaucher compétent.
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Camille Ayglon
Saurina lors de la finale du tournoi olympique perdue face à la Russie, le 20 août 2016 à Rio de Janeiro
"Le gaucher a un avantage énorme", souligne le sélectionneur Olivier Krumbholz (un droitier). "Il sera plus payé et trouvera plus facilement un club. Ce n'est pas faire offense aux gauchers que de dire qu'ils ont plus de chance de jouer au haut niveau qu'un droitier".
Dans une sélection nationale, il faut quatre ailiers (2 titulaires, 2 remplaçants), deux gauchers (pour jouer à droite) et deux droitiers (pour jouer à gauche). Or si l'on prend les dix meilleurs ailiers toutes latéralités confondues, il y aura statistiquement un ou deux gauchers en moyenne et huit ou neuf droitiers. Le chemin du sommet est donc plus encombré d'un côté que de l'autre.
- Concurrence féroce à droite -
"Pour les droitiers, la concurrence est féroce. C'est le cas en équipe de France, où les candidates sont bien plus nombreuses à gauche qu'à droite", confirme l'entraîneur, qui se souvient d'avoir "beaucoup souffert" à une époque d'un des grands fléaux de sa profession, la pénurie de gauchers.
De plus, rien n'interdit à un gaucher de postuler à l'un des trois rôles ouverts aux deux latéralités, le gardien, le demi-centre et le pivot, avec même un avantage potentiel sur les droitiers. "Cela peut être très intéressant d'avoir un demi-centre ou un pivot gaucher. Celui-ci ne se retourne pas de la même manière que les autres pivots et on peut donc le servir dans des conditions différentes", explique Krumbholz.
© AFP/JAVIER SORIANO
Na Norvégienne Nora Mørk, le 16 août 2016 à Rio lors du quart de finale des JO face à la Suède
De là à dire que les gauchers sont moins méritants, il y a évidemment un pas qu'aucun handballeur ne fera. "Quand on arrive au haut niveau, les gauchers qui jouent sont des athlètes très performants", assure l'entraîneur, qui cite les Français Stéphane Stoecklin et Greg Anquetil parmi les gauchers de référence pour le passé récent, le Macédonien Kiril Lazarov et la Norvégienne Nora Mørk dans le handball actuel.
Les fédérations s'organisent en conséquence pour détecter ces prédisposés, comme le basket recherche les grands et le rugby les costauds. "On impose aux sélections de jeunes d'avoir forcément des gauchers. On est très vigilant dans les pôles. On essaie d'en recruter suffisamment pour alimenter toute la filière. Tout le dispositif est à l'affût", dit le sélectionneur.
Camille Ayglon le reconnaît, sa qualité de gauchère a pu jouer un rôle dans sa carrière. "Quand j'ai commencé le hand, tardivement, les gens ont peut-être plus prêté attention à mon potentiel parce que j'étais gauchère. Si j'avais été droitière, on serait peut-être moins venu me chercher", dit la joueuse de Bucarest.