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© AFP/JOHN MOTTERN
Des membres de l'équipe olympique américaine de gymnastique, dont Jamie Dantzscher (3e d), le 20 août 2000 à Boston
Trois ans avant d'être accusé par des dizaines de femmes d'agressions sexuelles, l'ancien médecin de l'équipe américaine de gymnastique, Larry Nassar, donnait dans une interview sa vision bienveillante du traitement des sportifs.
"Nous protégeons nos athlètes (...) pas seulement physiquement mais mentalement", disait-il. "Vous devez leur faire savoir que vous vous souciez d'eux (...) Qu'ils le sentent".
Jessica O'Beirne, l'auteur de cette interview pour le podcast GymCastic, en décembre 2013, réécoute aujourd'hui ces mots avec horreur.
"C'est très important que cela serve d'exemple sur la manière dont les prédateurs fonctionnent", confie-t-elle à l'AFP.
Larry Nassar est accusé par la justice américaine d'avoir utilisé sa position au sein de l'équivalent de la fédération américaine de gymnastique pour agresser sexuellement des dizaines de jeunes filles pendant des années.
L'homme de 53 ans, actuellement emprisonné dans l'attente de son procès, a plaidé non coupable des accusations portées contre lui. Son avocat n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP.
Il est en outre inculpé de pornographie infantile par les autorités fédérales, qui affirment que certaines de ses victimes étaient âgées de moins de 13 ans.
Larry Nassar était le médecin de l'équipe américaine de gymnastique de 1996 à 2015, couvrant quatre jeux Olympiques.
Il était en poste depuis plus de 10 ans auprès de USA Gymnastics lorsque Jessica O'Beirne, alors étudiante en kinésiologie, l'a rencontré en 1997 lors d'une compétition.
"Il n'avait pas la distance que mettent beaucoup de médecins. Il était ouvert, attentionné, réfléchi", précise-t-elle.
- 'Génie' -
Le nom de Larry Nassar revenait souvent aux oreilles de Jessica O'Beirne.
"Le terme de génie était utilisé (...) Il était vraiment très respecté", confie-t-elle.
Larry Nassar s'était construit une image de médecin sportif et ostéopathe, spécialisé dans les massages. Il dispensait également ses conseils sur son propre site internet, dans des DVD éducatifs et sur des vidéos YouTube.
Les anciennes gymnastes qui accusent aujourd'hui M. Nassar d'avoir abusé d'elles disent qu'il était conforté par l'environnement particulier de la gymnastique de haut niveau, où les plaintes et les signes de blessure pouvaient mettre en danger les rêves olympiques.
"Il avait l'habitude de mettre ses doigts à l'intérieur de moi", a confié Jamie Dantzscher à la chaîne CBS. La jeune femme accuse M. Nassar de l'avoir agressée dès l'âge de 13 ans et jusqu'à ses 18 ans.
"Il me disait que j'allais ressentir un +pop+ et que cela remettrait mes hanches en place et soulagerait mes douleurs au dos (...) Il était comme un ami. Les entraîneurs étaient horribles, il était gentil", témoignait encore cette gymnaste, l'une des trois de l'équipe nationale américaine qui accuse Larry Nassar.
- Vaste scandale -
Dans son entretien radiophonique, Larry Nassar, marié et père de trois enfants, prend des accents paternelles envers ses athlètes.
"Les blessures physiques se remettront toujours, mais ce sont les blessures mentales qui mènent à des cicatrices qui reviendront les hanter", disait-il.
Les accusations contre Larry Nassar font partie d'un vaste scandale au sein de USA Gymnastics, après les révélations du journal Indianapolis Star en fin d'année dernière, selon lesquelles quelque 350 femmes disent avoir été abusées par Larry Nassar et des entraîneurs.
John Manly, l'avocat de plus de 70 femmes qui poursuivent en justice USA Gymnastics et le Dr. Nassar, dénonce une "culture tacite de l'acceptation de la violence sexuelle envers les enfants" au sein de l'organisation et affirme que les dirigeants "fermaient les yeux".
"USA Gymnastics demeurera vigilante face à ce grave problème. Un environnement sûr est fondamental pour profiter et réussir dans la gymnastique sportive", a déclaré l'organisation dans une lettre ouverte rendue publique début mars.
"Les enfants sont mieux protégés dans une garderie que dans un gymnase", s'indigne Jessica O'Beirne, qui attend une profonde réforme dans la protection des gymnastes.