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Le cricket, sport aux règles aussi immuables qu'absconses pour les profanes, vivra vendredi en Australie l'une des plus grandes révolutions de son histoire centenaire: un match international en nocturne, avec une balle rose et non plus rouge.
Les puristes ont beau hurler à l'hérésie, la fédération australienne Cricket Australia est convaincue que ce big bang est crucial pour relancer l'intérêt, notamment chez les plus jeunes, pour les rencontres internationales.
Car 138 ans après ce qui est considéré comme le match fondateur entre une sélection anglaise et des joueurs australiens, ce vénérable sport n'a pas bougé d'un iota dans sa forme internationale la plus pure, celle du test-cricket.
Une rencontre internationale -ou "test-match"- se joue pendant des heures à la lumière du jour, sur cinq journées. Une durée prohibitive, même pour ses inconditionnels. D'autant qu'une telle rencontre se déroule souvent sur cinq tests-matches, soit un maximum de 25 jours.
"Nous comprenons que nous devons décaler le spectacle à des heures plus propices", concède James Sutherland, patron de Cricket Australia.
"J'adore toutes les formes de cricket mais mon format préféré est celui du test-cricket. Or, franchement, si nous ne faisons rien, nous risquons de l'enterrer."
- Match en nocturne -
Admirative de la popularité des compétitions de "Twenty20", disputées sur un format beaucoup plus court et dynamique, Cricket Australia a eu l'idée -révolutionnaire- de faire jouer partiellement les test-matches en nocturne.
Vendredi à Adelaïde (ouest), pour la première fois, l'Australie affrontera la Nouvelle-Zélande entre 14H00 et 21H00 locales, pour la première manche du troisième test-match entre les deux voisins.
Cette initiative n'est à ce stade qu'un essai. Mais à en croire Cricket Australia, le nouvel horaire est déjà payant car les billets partent comme des petits pains. Une demande comparable à celle pour les fameux "Ashes", la Roll's des rencontres de cricket qui oppose l'Angleterre et l'Australie.
En contraste, les deux premiers tests-matches de cette série entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande se sont déroulés dans une atmosphère lugubre dans des stades vides à Perth (ouest) et Brisbane (est).
Cette révolution a un corollaire qui hérisse aussi le poil des puritains de ce sport de gentlemen qui disputent invariablement les test-matches en costume blanc.
Comme il n'était plus possible de garder la fameuse balle rouge -difficile à voir sous un éclairage artificiel- Cricket Australia a opté pour le rose.
Kookaburra, le fabricant australien, affirme que la seule nouveauté est une infime couche de peinture sur la balle, qui a été l'objet des tests les plus pointus.
- 'Ne pas trop rigoler avec ça' -
Certains joueurs se sont plaints que la trajectoire de la nouvelle balle soit plus difficile à appréhender. Cela ne changera rien pour les béotiens mais pour les spécialistes, cela pourrait bouleverser la tactique.
La nécessité de réformer le cricket afin que son charme suranné s'intègre davantage aux impératifs du XXIe siècle fait globalement consensus dans ses instances dirigeantes. Attention cependant, disent certains, à ne pas aller trop loin!
"Le test-cricket est la quintessence du cricket pour la majorité des joueurs internationaux qui y sont très attachés", résume Tony Irish, chef de la Federation of International Cricketers Association (Fica), qui défend les intérêts des joueurs.
"Il ne faut pas trop rigoler avec ça."
Comme toute révolution génère ses jusqu'au-boutistes, il se trouve aussi dans le monde du cricket des partisans d'une mue plus profonde encore.
C'est le cas de l'ancien capitaine australien Mark Taylor, membre du conseil d'administration de Cricket Australia.
"Regardez où en est le cricket aujourd'hui. Où va-t-il?", interroge ce consultant télé. "La jeune génération vit beaucoup plus dans l'instant et il est très difficile de la tenir en haleine sur cinq jours".
D'où la proposition de cet intégriste de la réforme: borner les test-matches à quatre journées.