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La navigatrice quimpéroise Anne Quéméré tente depuis le 24 juin, au départ de l'extrême grand Nord canadien, de franchir en solo et en kayak le passage du Nord-Ouest dans l'océan Arctique, lien entre les océans Atlantique et Pacifique.
Anne Quéméré, célèbre pour ses transatlantiques à la rame en 2002 et 2004, puis en kite-boat (canot tracté par une voile de cerf volant), avec l'Atlantique d'abord, en 2006, puis le Pacifique entre le Pérou et la Polynésie en 2011, s'attaque cette fois à une navigation difficile et hasardeuse, dans la banquise en débâcle et sur un frêle esquif de 5 mètres de long.
Le premier à franchir ce passage mythique, qui raccourcit de quelque 4000 km la route entre l'Asie et l'Europe, fut l'explorateur polaire norvégien Roald Amundsen, qui mit 3 ans (1903-1906) à parvenir à ses fins.
Si le passage du Nord-Ouest -1500 km à vol d'oiseau, mais plus du double avec les méandres et circonvolutions de la route entre les îles du grand Nord canadien-, entre le Pacifique (mer de Beaufort) à l'ouest et l'Atlantique (mer de Baffin) à l'Est, a été franchi de nombreuses fois en bateau au cours des récentes années, cette route n'est en aucun cas devenue une autoroute de la mer glacée.
S'aventurer seul(e) et sans assistance dans ce labyrinthe d'eau et de terre, avec une météo imprévisible qui joue avec la glace, reste un audacieux défi.
- L'omniprésence de l'ours polaire -
"J'ai attrapé le virus de l'Arctique et du kayak en participant en 2010 à l'expédition +la grande dérive+ au Groenland, dont l'objet était d'alerter sur la fonte accélérée de la banquise d'été due au réchauffement climatique", a déclaré par téléphone à l'AFP Anne Quéméré, depuis Tuktoyaktuk, un hameau inuit à l'embouchure de la rivière Mackenzie sur la côte Nord du Canada.
Anne Quéméré navigue sur un kayak de 5,5 m de long, démontable et à la coque en polyéthylène, une embarcation utilisée par les commandos de marine.
"Plus j'avance, plus la présence des ours polaires ou des grizzlis se fait sentir. Je n'en ai pas encore vu (NDLR: leur concentration est plus à l'Est sur sa route), mais j'ai relevé de nombreuses traces sur des petites plages où je me suis arrêtée. Je n'ai pas d'arme, uniquement des fusées pour les effrayer. Mais pour le moment, c'est moi qui suis effrayée, à tel point que je ne dors plus à terre sous la tente, mais inconfortablement dans le kayak au large", a ajouté la navigatrice.
En longueur de temps, Anne Quéméré a estimé à 3 mois son périple polaire avec une arrivée en mer de Baffin fin septembre, juste avant l'embâcle et la reprise du passage dans les glaces, au seuil de l'hiver.
- 'La glace décide' -
Mais elle reste très prudente: "Ici, dit-elle en citant un proverbe inuit, c'est la glace qui décide. Je sais, en consultant les cartes, que certaines portions sur ma route sont encore prises dans la banquise et infranchissables pour le moment".
"Dans les très hautes latitudes, les changements de temps sont très rapides. Des vents forts et contraires se lèvent en un éclair, des trombes d'eau s'abattent soudain dans un ciel qui était bleu horizon quelques minutes plus tôt. Mais c'est tout le sel de cette expédition. Mes transocéaniques à la rame ou en kite m'ont fait affronter bien des dangers, mais aucun de la nature de ceux auxquels je me suis préparée pour triompher de ce passage mythique en solo et sans assistance".
En quittant Tuktoyaktuk cette semaine, la navigatrice quimpéroise a mis le cap plein Est vers sa prochaine escale, le village inuit de Paulatuk, distant de quelque 700 km et qu'elle espère atteindre en 2 ou 3 semaines.
"Je sais que cette étape va être très difficile, a-t-elle confié, sans âme qui vive sur la route, seule dans cette région sauvage aux paysages majestueux et même écrasants qui forcent à l'humilité".
Mais dans un éclat de rire elle conclut: "Je tire sur la pagaie, chaque kilomètre avalé est déjà une victoire, je vis une aventure fantastique".