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Entre Canada et Groenland, Pacifique et Atlantique, avec un coup de pouce du soleil qui brille en permanence sur ces étendues polaires: la Bretonne Anne Quéméré et le Suisse Raphaël Domjan vont tenter la première traversée en kayak du passage du Nord-Ouest, en Arctique.
Leur tentative commencera, selon les conditions météo, au début de la seconde quinzaine de juin dans ce passage mythique situé aux confins glacés du nord du Canada, qui s'ouvre à la navigation lors de la débâcle de la banquise en été. Et cette première est en fait double: le kayak de Raphaël Domjan a été transformé en embarcation expérimentale solaire.
Il est équipé, sur les plages avant et arrière, de 3 m2 de panneaux voltaïques pour alimenter en énergie propre un petit moteur électrique qui permet d'atteindre une vitesse de 5 à 10 km/h.
"Ma démarche est avant tout scientifique, explique-t-il à l'AFP. Je vais tenter la première traversée polaire solaire en testant, pendant le jour permanent de l'été boréal, la capacité de captation de l'énergie solaire dans ces très hautes latitudes avec une température légèrement supérieure à 0°C".
Le but: développer la technologie qui pourrait permettre à terme "des déplacements +propres+ dans cette région au fragile écosystème, déjà mise à mal par le réchauffement climatique".
Sur le papier, l'énergie solaire emmagasinée (autant en 24h sous le jour permanent qu'en 12h sur l'équateur) devrait alimenter en électricité non seulement le petit moteur du kayak, mais aussi l'équipement photo, vidéo, informatique et transmissions embarqué.
Raphaël Domjan a été entre 2010 et 2012 le chef d'expédition de la 1ère circumnavigation à l'énergie solaire du bateau PlanetSolar.
Il est aussi le père du projet SolarStratos, à mi-chemin entre le monde de l'aviation et celui de l'espace: la construction à venir d'un monoplan à hélice propulsé par un moteur électrique à l'énergie solaire, pour grimper dans la stratosphère à plus de 20 km d'altitude et tutoyer les étoiles.
- 3.000 km en 3 mois -
Anne Quéméré et Raphaël Domjan partiront du bourg inuit de Tuktoyaktuk, à l'embouchure de la rivière Mackenzie sur la côte Nord du Canada. Avant que la banquise se referme en automne, ils ont trois mois pour couvrir les quelque 3.000 km qui les séparent de la mer de Baffin à l'ouest du Groenland.
Dire que le chemin est tortueux et semé d'embûches est un euphémisme: tracé aléatoire en fonction des zones englacées ou non, météo capricieuse et souvent imprévisible, multitude d'îles et îlots à contourner, nuées de moustiques dans les terres rendues marécageuses par la fonte... Pour couronner le tout: la présence intimidante du seigneur des lieux et redoutable prédateur, l'ours polaire.
L'année dernière, Anne Quéméré avait fait une première tentative de franchissement du passage en solitaire, mais avait dû abandonner en raison d'une météo interdisant toute progression.
"C'est la première fois que je ne pars pas en solitaire et pour moi c'est une révolution, a-t-elle confié à l'AFP. Nous allons devoir nous adapter chacun au rythme de l'autre, faire certainement des compromis". Avec toutefois de gros avantages: "l'esprit d'entraide et de solidarité, notamment en ce qui concerne la sécurité et la tenue de quart de veille permettant à l'autre de bien dormir et bien récupérer".
Anne Quéméré n'a pas de moteur électrique sur son kayak et avancera à la seule pagaie. "Mais moi aussi je vais pagayer...!", interrompt Raphaël Domjan, pour ne pas passer pour un aventurier en peau de lapin. "Mon kayak fonctionne exactement sur le modèle d'un vélo électrique. Pédaler est indispensable".