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En négociant des droits de retransmission télévisée exorbitants, la Premier League anglaise s'est offert le luxe de pouvoir négocier des transferts tout aussi pharaoniques, comme l'illustre la signature attendue de Paul Pogba à Manchester United pour une somme record estimée à 120 millions d'euros.
Dès l'année 2017, les vingt clubs de l'élite anglaise se partageront en effet 7 milliards d'euros sur trois ans (2,33 chaque saison) contre 3,9 milliards d'euros jusqu'alors. Une inflation vertigineuse qui, cumulée avec celle des droits internationaux du championnat le plus rentable à l'étranger (1,3 milliard d'euros par saison), leur offre un pouvoir d'achat sans égal.
En comparaison, les clubs de Ligue 1 française, le moins nanti des cinq championnats européens majeurs, se répartissent 748 millions d'euros par saison en droits nationaux et leur champion, l?indéboulonnable PSG, a empoché en 2016 deux fois moins qu'Aston Villa, dernier de Premier League et doté de 87 millions d'euros.
"L'inflation des droits TV et des transferts va se poursuivre et il y a fort à parier que le record de Pogba sera vite battu", estime Christophe Lepetit, économiste au centre d'économie et de droit du sport de Limoges (CDES).
Pour ce "mercato" d'été, la barre du milliard d'euros de dépenses en transferts devrait être largement dépassée.
Pour en arriver là, les clubs anglais ont bataillé. Lancée il y a un quart de siècle sur les décombres d'un championnat infréquentable en raison notamment de la nuisance des hooligans et de la vétusté des stades, la Premiership, organisée en véritable entreprise privée, est devenue le premier et le plus spectaculaire championnat du monde.
"Le secret, c'est d'avoir un produit qui attire les gens dans les stades", relève David Dein, ex-vice-président d'Arsenal devenu ambassadeur de la Premier League. Une lapalissade, certes, mais que les Anglais ont su mettre en pratique en rénovant leurs enceintes, en attirant des stars étrangères, en soignant la qualité du spectacle avec un jeu offensif, des pelouses ou d'un arbitrage totalement professionnalisé...
- Créer le désir -
"Les matches sont moins hachés par les coups de sifflet. Tout est fait pour que le spectacle soit réussi et que tout le monde ait sa chance", note encore David Dein, évoquant la victoire surprise de Leicester au terme de l'exercice 2016 grâce à un système de redistribution financière qui octroie au champion à peine 33% de plus qu'au dernier (contre 87% en Espagne et 66% en France).
Aujourd'hui, le championnat anglais affiche un record de 2,7 buts par match, un taux de remplissage de 96% dont beaucoup de femmes et d'enfants dans des stades flambant neufs qui attirent en moyenne 36.500 spectateurs par journée. "La Premier League est gérée comme une entreprise depuis un siècle. Elle se valorise avec les plus grandes stars sur le terrain, les meilleurs entraîneurs, les plus beaux stades, des stades pleins", estime Mathieu Moreuil, direction de l'action européenne de la PL.
Dans ces conditions, le championnat anglais crée le désir. "L'argent que reçoit une ligue ne dit pas grand chose de la qualité et du travail de la ligue", reprend David Dein, "mais du paysage médiatique qui l'entoure. Nous, nous avons réussi à convaincre les médias que la Premier League pouvait les aider".
En l?occurrence, BT et Sky, ses deux diffuseurs nationaux, persuadés qu'aucun ne pouvait survivre sans sa part du gâteau, ont été contraints à une surenchère financière qui a donc abouti en 2016 à une hausse de 70% de la facture des retransmissions. Cela en dépit d'une politique restrictive unique en Europe qui consiste à ne diffuser que moins de la moitié des rencontres, soit 168 matches sur 380, afin de conserver l'attractivité des stades. Et d'entretenir le désir.