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A peine élu président de la Fifa, Gianni Infantino voit son nom cité dans les révélations des "Panama Papers": la justice suisse a perquisitionné le siège de l'UEFA, dont il était l'un des dirigeants, pour un contrat passé en 2006 avec une société offshore.
En mai dernier, la police avait fait une descente au siège de la Fifa à Zurich, point de départ d'un scandale de corruption planétaire.
Mercredi, c'est le QG de l'UEFA à Nyon (Suisse) qui a été perquisitionné, dans le cadre d'"une procédure pénale pour soupçon de gestion déloyale et éventuellement d'abus de confiance", contre X, sans que personne ne soit nommé, a indiqué la justice suisse dans un communiqué.
Dans ce communiqué, le procureur général évoque les révélations mardi des "Panama Papers" sur un contrat signé en 2006 au nom de Gianni Infantino, alors directeur des services juridiques de l'UEFA. L'Italo-Suisse est depuis devenu le patron du foot mondial: il a été élu le 26 février président de la Fifa, secouée par un énorme scandale de corruption, et a succédé à son compatriote Joseph Blatter.
Pour justifier la perquisition de mercredi, la justice suisse écrit que, au-delà des seuls "Panama Papers", "le soupçon est basé sur le résultat des conclusions qui ont émergé des autres procédures", c'est-à-dire les enquêtes déjà existantes autour de la Fifa.
Le contrat mis au jour par les "Panama Papers" porte sur la vente des droits télévisés de la Ligue des champions sur le marché équatorien, pour la période 2006-2009.
L'un des signataires est l'UEFA, vendeuse des droits en tant qu'instance suprême du foot européen, représentée par Infantino. Si son nom apparaît bien au bas du document, publié par le journal argentin La Nacion, la signature est celle de Markus Studer, directeur général adjoint de l'UEFA.
L'autre signataire est la société offshore Cross Trading, intermédiaire de la télévision équatorienne Teleamazonas pour l'achat des droits TV des compétitions européennes.
- Prix du marché? -
Les représentants de Cross Trading, qui signent ce fameux contrat en 2006, sont les Argentins Hugo et Mariano Jinkis. En mai 2015, tous deux ont été inculpés par la justice américaine dans le cadre du scandale de la Fifa.
Dans le dossier Fifa, ils sont soupçonnés d'avoir versé des pots-de-vin à des dirigeants de la Conmebol (Confédération sud-américaine) en échange des droits TV de compétitions de la Fifa. Les deux Argentins, père et fils, sont en résidence surveillée et la justice américaine réclame leur extradition.
Selon les révélations des "Panama Papers", Cross Trading a acheté 111.000 dollars les droits de la Ligue des champions 2006-09 pour l'Equateur, et les a revendus 311.000 dollars à Teleamazonas.
Le journal allemand Süddeutsche Zeitung, qui a révélé l'affaire mardi soir, estime que le prix consenti par l'UEFA était inférieur à celui du marché.
Selon un document consulté par l'AFP, deux chaînes équatoriennes étaient sur les rangs pour ces droits. Teleamazonas a offert 37.000 dollars par saison, soit un total de 111.000 sur trois ans. L'autre diffuseur, Gamavision, proposait 30.000 dollars par saison, soit 90.000 au total.
Pour ce prix, l'acquéreur emportait un lot assez réduit de la prestigieuse compétition européenne: un match en direct, un match en différé et des extraits des meilleurs moments. Cela peut expliquer le montant peu élevé du prix d'achat.
En effet, le plus gros des droits TV en Amérique latine, Equateur compris, était à l'époque détenu par le géant américain ESPN.
- Triplement -
L'appel d'offres pour l'attribution de ces droits en Equateur avait été géré par une autre société intermédiaire, au nom de l'UEFA: Team Marketing, basée à Lucerne (Suisse). Dans un mémo qu'a pu consulter l'AFP, Team Marketing recommandait à l'époque "que l'UEFA accepte l'offre de Teleamazonas".
Team Marketing a assuré mercredi que la procédure avait été "équitable et transparente".
Infantino, qui figure au Conseil d'administration de Team Marketing depuis 2014, s'est vivement défendu mardi: "Je suis consterné et n'accepterai pas que mon intégrité soit mise en doute". "Les documents montrent que l'UEFA a conduit cette procédure dans les règles", a-t-il ajouté dans un communiqué mercredi soir, en jugeant qu'il est "dans (son) intérêt et dans celui du football que toute la lumière soit faite".
Reste à savoir si le triplement du montant des droits entre leur vente par l'UEFA et leur revente par Cross Trading correspond à la réalité du marché.
"Une multiplication par trois peut paraître conséquente mais acceptable", estime pour l'AFP l'économiste du sport français Michel Tapiro, avant de nuancer: "C'est souvent sur les petites sommes que se font les grosses marges, mais c'est aussi avec ces sommes-là que se font les affaires louches".
L'UEFA, elle, renvoie à la justice: "S'il y a quoi que ce soit de suspect au sujet d'un accord bilatéral ou privé entre ces compagnies (Cross Trading et Teleamazonas), alors évidemment, il faut une enquête par les autorités compétentes, s'il le faut la justice pénale".
Société offshore implantée dès 1998 sur l'île de Niue, dans le Pacifique, avant de s'exporter aussi aux Seychelles et dans le Nevada, Cross Trading fut créée notamment grâce au cabinet d'avocats de l'Uruguayen Juan Pedro Damiani, selon les "Panama Papers". Ce membre du comité d'éthique de la Fifa, visé par une enquête interne de l'instance suprême du foot, a démissionné mercredi.