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Entre deux séances de préparation en vue d'un des plus grands tournois de foot du monde, Yakub Ali affiche sa fierté à l'idée de voir le visage de sa mère, une prostituée, s'illuminer lorsqu'il rentrera chez lui à Calcutta, au coeur du plus grand quartier chaud d'Asie.
"Toute notre enfance, nous avons vu les gens exprimer leur mépris envers notre quartier et nous dire que nos mères ne valaient rien", dit Yacub, 15 ans.
"Aussi, (ce tournoi) est un cadeau pour toutes nos mères qui doivent faire face à la discrimination, aux insultes et à l'injustice au quotidien à Sonagachi".
Yakub est l'un des huit fils de travailleuses du sexe de ce quartier de Calcutta, dans l'est de l'Inde, qui vont se rendre au Danemark pour participer fin juillet à la Dana Cup, un tournoi de foot international pour jeunes.
Ses coéquipiers de la Durbar Sports Academy, qui compte également des jeunes d'autres bidonvilles de cette mégalopole indienne, vont se retrouver au milieu de centaines d'équipes à Hjorring (nord du Danemark) à l'occasion de cette compétition du 26 au 30 juillet.
L'équipe est soutenue par une organisation caritative, la Durbar Mahila Samanwaya Committee (DMSC) qui tente d'améliorer le sort des prostituées indiennes et gère la première coopérative d'Asie réservée aux travailleurs du sexe.
A 40 km au sud de Calcutta, ces jeunes défavorisés trouvent là l'occasion de se changer les idées, loin des ruelles étroites et des appartements sordides de Sonagachi. Quelque 8.000 personnes travailleraient dans ce quartier qui abrite plusieurs centaines de maisons closes.
Smarajit Jena, chercheuse en santé publique qui a fondé DMSC, souligne que les garçons de ce quartier, considérés comme des parias, n'ont souvent personne vers qui se tourner pour surmonter leurs difficultés du quotidien.
- Traités comme des intouchables -
"La solitude à laquelle sont confrontés ces enfants de travailleurs du sexe est difficile à décrire. Ils sont traités comme des intouchables", dit Jena à l'AFP.
"La plupart d'entre eux finissent par abandonner l'école, où ils sont stigmatisés, aussi devons-nous trouver quelque chose pour éviter qu'ils ne soient marginalisés".
Yakub, un avant-centre élancé, raconte "avoir pleuré de joie" quand son équipe s'est qualifiée pour le Danemark. Plusieurs entreprises indiennes et étrangères vont prendre en charge le coût du déplacement.
"Le football a ouvert des portes aux garçons comme nous et nous permet de prouver notre valeur", dit l'adolescent en marge d'un entraînement.
"Nous avons goûté à la victoire quand nous avons remporté notre championnat à Calcutta l'an dernier et maintenant nous regardons uniquement devant nous".
Yakub explique qu'il ne se déplace jamais sans une photo de son idole Lionel Messi dans sa poche, mais concède qu'il va devoir lutter contre son inclination naturelle à slalomer entre les adversaires, à l'image de son héros argentin.
"Nous nous entraînons dur et essayons de rester concentrés. Nous sommes entrainés pour jouer comme un orchestre bien réglé plutôt qu'en solo".
Si le cricket est le sport favori en Inde, Calcutta est considéré comme la capitale du football dans ce pays et il est aussi courant d'y voir des jeunes taper dans un ballon que manier une batte.
L'entraîneur de l'équipe, Biswajit Majumdar, estime que l'énergie mise par ses protégés pour réussir leur pari facilite grandement le travail sur le terrain.
"C'est formidable de voir ces garçons oser rêver", dit-il à l'AFP.
"Ils sont souvent maltraités et doivent faire face à des paroles méchantes mais ils ne renoncent jamais et ont une soif de succès qui oblige à être à la hauteur".
Majumdar souligne qu'il leur a imposé des sacrifices afin qu'ils soient fiers de leur tournoi.
"Nous avons retiré les téléphones portables pour éviter toute distraction", souligne-t-il à cet égard.
"Ma mission est de tirer le maximum d'eux, afin qu'ils s'entraînent encore plus dur et atteignent leurs objectifs".