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Les deux hommes les plus puissants du football mondial radiés pour plusieurs années, voire à vie? Joseph Blatter et Michel Platini seront enfin fixés lundi avec le verdict de la justice interne de la Fifa, épilogue d'une année rythmée par un scandale de corruption sans précédent.
Une sanction sévère serait un symbole très fort dans le cas de Blatter, 79 ans, dont 17 comme empereur de la planète football. Mais elle aurait des conséquences infiniment plus lourdes pour Platini, 60 ans, qui, contrairement au Suisse, était censé avoir l'avenir devant lui: le Français serait alors privé de la présidence de l'UEFA et ne pourrait prétendre à la succession de Blatter à celle de la Fifa, le 26 février.
Raison de cette procédure disciplinaire: le versement contesté de 1,8 million d'euros en 2011 par Blatter à Platini, pour un travail de conseiller achevé en 2002. Les deux hommes ont pour cela déjà été suspendus provisoirement jusqu'au 5 janvier, en attendant le jugement sur le fond de lundi.
Info ou intox? Trois jours après son audition jeudi, Blatter a affirmé dimanche au tabloïd suisse Blick que les charges pour corruption contre lui avaient été retirées. Si tel était bien le cas, d'autres pèseraient cependant encore sur lui: gestion déloyale, conflit d'intérêts voire falsification de comptes.
"Le juge Eckert (président de la chambre de jugement de la commission d'éthique de la Fifa, ndlr) a été très correct. Le juge m'a indiqué au début (de l'audition): +Les accusations de corruption sont retirées+", a déclaré Blatter à Blick.
- 'Déjà condamné' -
Très présent dans les médias ces derniers jours, au contraire de Platini, Blatter a prévu de donner une conférence de presse lundi à Zurich à 11 heures, sans doute juste après le verdict de la Fifa. Le lieu n'a pas été choisi au hasard: il s'agit du restaurant Sonnenberg, ancien QG historique de la Fifa. En plus de la justice sportive, Blatter est également mis en examen par la justice suisse.
"Je suis déjà jugé, déjà condamné", a quant à lui estimé Platini dans une déclaration lue par ses avocats vendredi devant la commission d'éthique à Zurich. L'ancien meneur de jeu des Bleus avait décidé de boycotter son audience, laissant son avocat le défendre durant 9 heures.
"Je n'ai plus confiance dans les instances disciplinaires de la Fifa. Elles ont montré (...) leur incapacité à respecter la présomption d'innocence", s'est-il justifié dans sa déclaration.
Une allusion à Andreas Bantel, porte-parole de la chambre d'instruction de la commission d'éthique, cité par le journal français L'Equipe le 11 décembre: "Platini va sûrement être suspendu plusieurs années, et en ce qui concerne Blatter, il n'y a pas de différence entre une suspension de quelques années ou une suspension à vie". Bantel a ensuite dit que la publication de cette interview était "non autorisée".
Platini réfute tout soupçon de corruption pour le versement, qui correspond selon lui à un reliquat de salaire touché sur la base d'un contrat oral.
- Point d'orgue -
En cas de condamnation, Platini se heurtera à un calendrier sans doute désespéré pour l'élection à la présidence de la Fifa. La date-butoir pour l'enregistrement définitif des candidatures est fixée au 26 janvier, trop proche sans doute pour que le Français ait épuisé toutes les voies de recours.
Avant de pouvoir saisir le Tribunal arbitral du sport (TAS), la juridiction sportive suprême, il devrait faire une première fois appel devant la chambre de recours de la Fifa. Il aurait la possibilité d'aller directement devant le TAS mais il lui faudrait obtenir l'accord de la Fifa, ce qui paraît peu probable.
La double décision de lundi sonne comme le point d'orgue d'une année stupéfiante pour la Fifa, ouverte en mai avec l'arrestation au saut du lit de caciques du football mondial dans un palace de Zurich.
Au fil des révélations des deux enquêtes en cours, américaine et suisse, s'est dessiné un tableau très noir des pratiques de l'instance.
Cinq hommes sont candidats à la succession de Blatter, forcé à la démission le 2 juin, quatre jours après sa réélection: le Cheikh bahreini Salman, le Sud-Africain Tokyo Sexwale, le prince jordanien Ali, le Français Jérôme Champagne et le Suisse Gianni Infantino.
Quel qu'il soit, le nouveau patron de la Fifa aura bien du mal à reconstruire une crédibilité en ruines. Trente-neuf personnes sont pour l'instant mises en cause par la justice américaine, qui juge "inconcevable" le niveau de corruption à la Fifa: selon elle, 200 millions de dollars de pots-de-vin y ont circulé depuis 1991.