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Quand elle a commencé à taper dans un ballon, Line était la seule fille à rivaliser avec les garçons dans son quartier où le football est avant tout un sport d'hommes. A quatorze ans, cette Jordanienne s'apprête déjà à réaliser son rêve: jouer une Coupe du monde.
"Ici en Jordanie (...) c'était très souvent mal perçu de voir une fille jouer au football", explique-t-elle. "Aujourd'hui les choses ont changé".
A ses côtés, une vingtaine de joueuses de l'équipe cadette, dont certaines portent le voile, écoutent attentivement les consignes de leur entraîneur britannique.
Au programme de l'entraînement nocturne ce soir-là: travail spécifique pour les ailiers et les gardiennes, et match d'application pour les autres, sous le regard de parents venus voir leurs filles à l'oeuvre.
Même s'il se heurte toujours à de nombreuses barrières sociales et religieuses, comme dans les autres pays du Moyen-Orient, le football féminin connaît un nouvel essor dans le royaume qui accueille en octobre la Coupe du monde Féminine U-17, celle des moins de 17 ans, la première jamais organisée dans la région.
Selon les organisateurs, le tournoi ne se jouera pas seulement sur le terrain. "Nous utilisons le football comme une plate-forme pour le changement social", lance Samar Nassar, présidente du comité d'organisation de la compétition.
Cette ex-nageuse de la sélection jordanienne voit dans cette Coupe du monde des moins de 17 ans "une opportunité pour créer un patrimoine durable pour la Jordanie et la région", qui permettrait de contrer les stéréotypes et favoriser l'émancipation de la femme.
Line, l'attaquante de la sélection cadette, en semble persuadée. "Les gens pensent que jouer au football améliore les qualités des joueurs sur le terrain. Mais pas seulement. Moi le foot m'a appris beaucoup d'autres choses: le football m'a rendu plus sociable et m'a donné le sens de la responsabilité", explique-t-elle, sourire aux lèvres.
- 'Expérience inoubliable' -
Yasmeen Khair, star de la sélection féminine jordanienne, est présentée comme "un modèle qui inspire le changement". Cette ex-gymnaste qu'on surnommait le "papillon du royaume" s'est convertie au football après deux participations aux jeux Olympiques avec l'équipe jordanienne de gymnastique.
Désignée ambassadrice de la Coupe du monde des U-17, sa mission est double: promouvoir la compétition et accroître la popularité du football féminin. "Je parle beaucoup aux filles. Je leur dit qu'elles doivent vivre pleinement cette expérience riche et inoubliable", dit-elle.
Quand la Fédération jordanienne a formé la première sélection de football féminine en 2005, "nous avons dû affronter beaucoup de difficultés", se rappelle Yasmeen, venue encourager les cadettes à l'entraînement.
"Petit à petit, les choses ont commencé à changer, d'abord chez les familles et les amis et, plus tard, les Jordaniens ont commencé à s'intéresser au football féminin", surtout "que nous avons remporté plus de titres que la sélection masculine", relève-t-elle.
- Foot et Hijab -
Malgré son jeune âge, la sélection féminine jordanienne a conquis plusieurs titres au niveau arabe et asiatique.
L'équipe des cadettes sera la seule sélection arabe à participer à la Coupe du monde.
Le royaume compte actuellement 720 joueuses licenciées. Le chiffre peut sembler relativement modeste pour un pays de plus de 6,6 millions d'habitants, mais "il représente pourtant un premier pas décisif pour le football féminin", estime la Fifa.
Les organisateurs voient dans l'attribution à la Jordanie de l'organisation de la Coupe du monde des U-17 le "couronnement d'une stratégie qui commence à porter ses fruits", sous l'impulsion du prince Ali de Jordanie, président de la Fédération jordanienne de football.
Quand il était vice-président de la Fifa, le prince avait déjà bataillé pour obtenir la levée de l'interdiction sur le voile islamique dans le football féminin.
Ce changement "a donné à de très nombreuses femmes musulmanes dans notre région l'opportunité de jouer, que ce soit en Jordanie, en Egypte, en Iran ou dans d'autres pays asiatiques", souligne Samar Nassar.
Au niveau des compétences sportives, les Jordaniens n'ont pas d'illusions: si les cadettes parviennent à se qualifier au 2e tour, ce sera déjà un exploit.
"Objectivement, le niveau n'est pas aussi développé qu'en Europe, dans les Amériques ou dans plusieurs nations africaines. Mais cette équipe est vraiment décidée à marquer le coup en faisant entrer le Moyen-Orient dans le jeu", explique Robbie Johnson, entraîneur de l'équipe des cadettes.
Il ne semble pas d'ailleurs être soumis à la pression du résultat: "Mon but est de rendre ces joueuses aussi performantes que possible. Et qui sait ce qui va se passer?"