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Pendant que le reste de l'Europe hiberne, l'Angleterre accélère avec jusqu'à six matches en vingt jours. Point d'orgue de cette orgie de football, le Boxing Day, une tradition séculaire parfois décriée mais tellement unique.
Pas le temps de digérer le Christmas Pudding: samedi, comme à chaque lendemain de Noël, ça joue en Angleterre. Et ça joue beaucoup. Quatre journées de championnat, Coupe de la Ligue et troisième tour de la Cup: d'ici le 11 janvier, certaines équipes comme Liverpool et Manchester City auront joué six fois en trois semaines.
Les entraîneurs hurlent à l'indigestion. Arrachés à leurs familles, les joueurs râlent. Mais les fans adorent, eux les gardiens de cette tradition qui culmine tous les ans avec le Boxing Day.
Férié depuis 1871 au Royaume-Uni, le "jour des boîtes" tient son nom du temps où il permettait aux domestiques, après avoir trimé à Noël, de visiter leurs familles, en apportant cadeaux et même parfois les restes des repas des patrons dans des boîtes.
Depuis cette époque, le Boxing Day est dédié aux sports: cricket, courses hippiques, rugby et évidemment football.
Le premier match interclubs officiel remonte à 1860 entre Hallam et le Sheffield FC.
Plus de 150 ans plus tard, la magie fonctionne toujours.
A Sheffield Wednesday, le chant favori des supporters reste aujourd'hui encore celui qui fait référence au "Boxing Day Massacre" de 1979. Les rivaux de Sheffield United avaient été laminés 4-0 dans un champ de boue devant 49.309 spectateurs, un record qui tient toujours pour un match de troisième division.
- Un jour à ne pas perdre -
Le Boxing Day est une journée à prendre l?air, après avoir trop bu et trop mangé. A soigner sa gueule de bois en chantant au stade, dans une odeur d'oignon frit, déguisé en père Noël.
Pour certains, c'est l'unique match de l?année. L'équivalent footballistique de la messe de minuit. On s'y rend religieusement, en famille. Ou au contraire pour échapper à la famille et aux gâteaux trop secs de mamie.
"Noël peut être difficile pour certains hommes qui ne sont pas habitués à passer autant de temps en famille", sourit Martin Johnes, historien du foot à l'Université de Swansea.
Beaucoup planifient les fêtes en fonction du calendrier du foot.
Pour le Boxing Day, le spectacle est généralement au rendez-vous. Les surprises sont fréquentes et les matches souvent divertissants, comme en 1963 où 66 buts furent marqués en première division, Fulham écrasant Ipswich Town 10-1.
Mais c'est un jour où il ne vaut mieux pas perdre. L'ancien entraîneur de Liverpool, Brendan Rodgers, se rappelle encore comment, après une défaite à Stoke en 2012, il était "monté direct dans (s)a chambre pour ne plus redescendre de la soirée", alors que famille et invités l'attendaient devant le sapin dans le salon.
Piment supplémentaire, les instances continuent, au moins dans les divisions inférieures, à privilégier les derbies pour éviter les longs trajets aux supporters, alors que les transports tournent au ralenti.
- Exposition -
La Premier League profite à fond de cette exposition démultipliée, pendant que le reste de l'Europe fait relâche. Affiche du Boxing Day cette année, le déplacement du surprenant leader, Leicester, à Liverpool.
"Le monde entier regarde la Premier League. C'est dur pour les joueurs, mais il faut faire avec", souligne le milieu tchèque d'Arsenal, Tomas Rosicky.
Les entraîneurs aussi se plaignent. Pour Louis Van Gaal , l'entraîneur de Manchester United, ce calendrier démentiel est même la raison pour laquelle "l'équipe d'Angleterre n'a rien gagné depuis des années".
D'année en année, la pression augmente. La perspective de jouer en hiver la Coupe du monde 2022 au Qatar a fait redouter que le Boxing Day puisse être menacé. "Les dates du Mondial nous permettront de préserver la tradition", assure Alastair Bennett, directeur de la communication de la Premier League.
Certains rappellent qu'avant, c'était pire. Jusque dans les années 1950, on jouait deux jours de suite: Noël et Boxing Day. Avant que les changements sociologiques, l'intensité des matches et les sempiternels problèmes de transports -le métro londonien par exemple est fermé à Noël- ne mettent fin à ces "back to back" éreintants.
Un club de troisième division, Brentford, a essayé en 1983 de faire revivre les matches de Noël en voulant accueillir Wimbledon le 25 décembre à 11 heures. "Ce sera l'occasion de faire renaître la vieille tradition où les maris vont au foot à Noël pendant que leurs femmes préparent la dinde", disait alors un porte-parole du club.
Ces propos ont aussitôt soulevé un tollé et le match a finalement été avancé au 24 décembre. Wimbledon s'est imposé 4-3 devant 6.689 spectateurs, dans une ambiance extraordinaire.