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Didier Deschamps a "cédé à la pression d'une partie raciste de la France": Karim Benzema a justifié son absence en équipe de France pour l'Euro en lançant une polémique spectaculaire sur des questions qui fracturent la société française bien au-delà du football.
"Croyez-vous que Didier Deschamps est raciste?", lui demande le journal espagnol Marca dans une interview mercredi, à neuf jours de l'Euro en France (10 juin-10 juillet). "Non, je ne le pense pas. Mais il a cédé à la pression d'une partie raciste de la France", répond l'attaquant du Real Madrid en évoquant l'influence dans le pays du Front national, "parti extrémiste".
Meilleur buteur en activité de l'équipe de France, l'attaquant d'origine algérienne (28 ans, 81 sélections, 27 buts) a été écarté à cause de sa mise en examen dans l'affaire du chantage à la sex-tape contre un autre international, Mathieu Valbuena .
Malgré la polémique qui a enflé toute la journée, Benzema s'est montré imperturbable. En fin d'après-midi, il a posté sur son compte Instagram une photo de lui, casquette enfoncée jusqu'aux yeux, en train de regarder un écran d'ordinateur, avec cette légende: "Force tranquille".
A la mi-journée, à la sortie du conseil de ministres, le ministre des Sports Patrick Kanner a jugé que ses accusations n'étaient "pas acceptables".
Le député PS frondeur Benoît Hamon a, en revanche, estimé sur Europe 1 que le footballeur avait "raison de dire que nous sommes dans un pays où le racisme augmente".
- Coman: 'N'importe quoi' -
En Autriche, où l'équipe de France est en stage de préparation, l'une des nouvelles pépites des Bleus, l'attaquant Kingsley Coman, a eu des mots sans nuances pour commenter les accusations de son aîné: "C'est du n'importe quoi".
"Dans l'équipe, il y a beaucoup de gens de couleur ou d'origines différentes. Le racisme, je ne vois pas où il est", a ajouté le joueur du Bayern Munich, qui fêtera ses 20 ans le 13 juin.
Sur les 23 joueurs retenus pour l'Euro, douze sont d'origine ultra-marine ou africaine, dont Coman, et un d'origine marocaine, Adil Rami .
Les deux autres joueurs apparus ensuite en conférence de presse, Blaise Matuidi et Antoine Griezmann , ont esquivé les questions sur Benzema.
Le président de la FFF Noël Le Graët, lui, a jugé Deschamps "irréprochable". " Karim Benzema , je l'aime bien (...), il s'est laissé un peu aller, je préférerais qu'il soit plus aimable", a poursuivi le patron du foot français, qui "souhaite qu'on arrête de parler de cette petite divergence".
Relancée de manière fracassante par l'intéressé lui-même, la polémique est née la semaine dernière après des déclarations de l'ancien joueur Eric Cantona puis du comédien Jamel Debbouze.
Cantona avait lancé que Benzema et Ben Arfa (qui figure dans la liste des réservistes) avaient été écartés en raison de leurs "origines nord-africaines" et Debbouze avait renchéri en assurant qu'ils "pay(aient) la situation sociale" du pays.
"Sur le plan sportif, je ne comprends pas pourquoi, et sur le plan judiciaire, je ne suis pas encore jugé et je ne suis pas coupable", commente dans Marca Benzema, récent vainqueur de la Ligue des champions avec le Real, en réaffirmant son envie de jouer sous le maillot bleu.
"C'est bien la première fois que j'entends Karim Benzema s'intéresser aux questions de racisme", a répliqué auprès de l'AFP le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, fustigeant "un certain degré d'égoïsme et de narcissisme".
- 'Hypocrisie' -
Alors que Deschamps et Le Graët l'avaient d'abord soutenu, Benzema a finalement été déclaré non-sélectionnable en raison de sa mise en examen, le 5 novembre, pour "complicité de tentative de chantage" sur Valbuena et "participation à une association de malfaiteurs", infractions passibles de cinq ans d'emprisonnement. Il est soupçonné d'avoir encouragé Valbuena -non-retenu pour l'Euro lui aussi- à payer des maîtres chanteurs qui disaient détenir une vidéo intime le mettant en scène.
Le Premier ministre Manuel Valls s'était lui-même prononcé contre la présence de Benzema en équipe de France, arguant qu'un "grand sportif doit être exemplaire".
Les sondages d'opinion étaient eux aussi défavorables au buteur du Real.
Comment ses accusations sont-elles ressenties en banlieue ?
"Les accusations de racisme, ce sont de fausses excuses, des conneries (...), ça peut avoir un effet très négatif sur les jeunes", regrette auprès de l'AFP Mahamadou Niakate, directeur sportif du club des Ulis (Essonne), où ont débuté deux internationaux, Anthony Martial et Patrice Evra , ainsi que le grand ancien Thierry Henry .
"C'est une hypocrisie de dire: +regardez, l'équipe de France n'est pas raciste, il y a des Noirs+", estime en revanche Mustapha Sabil, qui a entraîné plusieurs équipes amateurs en banlieue parisienne. Selon lui, "on a un problème avec les Maghrébins, car ce sont des gens qui ne se taisent pas".
"Benzema est champion d'Europe avec le Real mais pas sélectionné pour l'Euro: ce qui est grave, c'est que ça conforte les gamins dans l'idée que si tu veux être reconnu à ta juste valeur quand tu viens d'un quartier ou que tu es arabe ou noir, il faut aller à l'étranger", déplore Amadou Cissé, président de l'Etoile club de Bobigny en Seine-Saint-Denis.